Chapitre 24 pdv Lucie

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Comme chaque fois que Lucie arrivait dans le service, elle se rendit immédiatement auprès de sa patiente préférée.

— Bonjour, Alice, salua Lucie en s'installant près de son lit. Comment ça va aujourd'hui ?

Pour toute réponse, Alice lui offrit un sourire rayonnant en penchant sa tête sur le côté comme une enfant. Elle ne parlait jamais mais son visage s'exprimait pour elle.

— J'ai l'impression que ça va, s'amusa Lucie. Alors, alors, voyons ça... Vous avez pris un bon petit déjeuné ce matin mais vous n'avez presque rien mangé à midi, ça ne va pas du tout ! gronda-t-elle faussement. Vous pouvez faire mieux que ça !

Alice ne perdit pas son sourire et gagna même un petit air malicieux. Lucie cocha quelques cases de la fiche médicale d'Alice.

— Vous avez faim ? finit-elle par lui demander.

Elle acquiesça vivement comme s'il s'agissait d'un jeu.

— Alors, Pomme ? Poire ? Pêche ? Pastèque ? Prune ? ah non, je sais, du Pamplemousse ? taquina-t-elle.

Cette liste fit pétiller ses yeux. Alice n'était plus une adulte, elle avait comme régressé au stade de l'enfance. Seules des blagues ou des taquineries parvenaient à l'intéresser. En regardant dans ses pensées, Lucie vit l'image mentale d'une pomme s'y figer longuement.

— Une pomme ? s'assura-t-elle à voix haute.

Encore une fois, Alice acquiesça. D'un mouvement de la main, Lucie fit venir une pomme jusqu'à elle et la lui tendit. Au plus grand étonnement de Lucie, Alice fronça automatiquement les sourcils et tourna la tête dans la direction opposée.

— Eh bien, Alice ! Qu'est-ce qui vous prend ? Je pensais que vous aviez faim... Vous ne voulez plus de pomme ? Ou alors vous voulez que je vous la coupe ?

Lucie trancha la pomme en quartier sans attendre sa réponse et lui présenta un bout.

— Alice, appela-t-elle sur un ton un peu plus dur. Il faut manger un morceau... qu'est-ce qui se passe, j'ai fait quelque chose de mal ? Il faut me le dire dans ce cas. Alice. Je vous préviens, je vais les manger moi-même.

Alice tourna la tête vers elle, sourcils froncés comme si elle était outrée qu'elle puisse envisager une telle chose. Lancée, Lucie apporta le plus lentement possible le morceau de pomme vers sa bouche.

— Je vais le faire, prévint-elle en ralentissant, je vais manger votre pomme...

De nouveau, Alice tourna sa tête rageusement vers l'opposé. Lucie décida de croquer à pleine dent en essayant de faire le plus de bruit possible mais rien ne sembla l'adoucir.

— Vous savez quoi ? céda Lucie après avoir fini son quartier, je vais vous laisser seule et je reviens plus tard d'accord ? Je vous laisse le reste du fruit.

Elle ignorait pourquoi Alice réagissait aussi mal et s'en trouvait déçue. En arrivant dans le service, Lucie avait cru comprendre qu'il s'agissait d'une bonne journée pour Mrs Londubat, c'était même Matthew qui le lui avait confirmé.

— Tout va bien ? s'enquit celui-ci en la voyant revenir vers lui.

— Alice s'est complètement braquée, je ne sais pas ce qu'il lui a pris... Elle est énervée et ne veux rien manger. Je pensais vraiment qu'elle allait mieux, qu'elle faisait des progrès mais déjà qu'il n'y a qu'avec moi qu'elle réagit si maintenant elle se met en colère !

Lucie se força à respirer un bon coup avant de reprendre son discours. Elle lança un regard de désespoir à Matthew.

— Elle ne fait plus de progrès. Plus aucun. Je viens tous les jours, je plonge dans ses pensées tous les jours et il n'y a aucune amélioration, c'est dingue ! J'ai peur d'être arrivée à la fin de mes tentatives, j'ai peur de ne pas pouvoir la guérir. Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? s'interrompit-elle devant l'air rieur de Matthew. Pourquoi tu souris ? Mat ! Ne te moque pas de moi, dis-moi ce qu'il se passe.

— Elle progresse, énormément même. Beaucoup plus que tu ne le penses. C'est sûr qu'avec Franck tu ne vois pas la différence mais Alice va beaucoup mieux grâce à toi.

— Tu crois ? fit Lucie avec espoir. Je pense que si j'augmentais la fréquence de mes visites...

— Si tu veux faire plus, tu peux, intervint-il, il y a un poste pour toi, je te l'ai déjà dit, mais tu fais déjà tout ce que tu peux pour Alice. Elle progresse.

Lucie dû faire une moue peu convaincue car il s'empressa de lui donner un exemple.

— Ce matin, comme chaque matin, j'ai fait le tour de tous mes patients, quand je suis arrivée à Alice, elle paraissait tellement réceptive à mon monologue que je lui ai demandé un service.

— Elle t'écoutait ? s'étonna-t-elle. Qu'est-ce que tu lui as demandé ?

— Bien sûr qu'elle m'écoutait. Je lui parlais de toi, en lui disant que tu viendrais la voir dans l'après-midi, j'ai dit pourquoi tu ne travaillais pas autant, que tu étais fatiguée et patati et patata. Elle a froncé les sourcils comme si elle comprenait et compatissait pour ta situation ou qu'elle était simplement perdue par ce que je lui disais.

— Mat... s'impatienta Lucie. Qu'est-ce que tu lui as demandé ?

— Je lui ai dit que ce qu'il serait bien, c'était que tu reprennes du poids, que ce n'était pas bon d'être aussi maigre. Donc, je lui ai demandé de te faire un manger un peu, si elle y parvenait...

— C'est ridicule, s'amusa-t-elle, tu crois vraiment que...

Elle s'interrompit toute seule. La pomme. Aussitôt, sa tête pivota vers Alice, toujours sur son lit mais qui mangeait maintenant ses quartiers de pomme restant, un sourire malicieux sur les lèvres.

— Elle m'a fait manger un bout de sa pomme, conclut Lucie estomaquée.

— Hum hum, confirma Matthew joyeusement.

— Par Merlin ! s'écria Lucie encore plus choquée que si on lui avait dit qu'Aisline avait fait ses premiers pas. Tu crois qu'elle l'a fait exprès ?

— Bien sûr qu'elle l'a fait exprès ! J'ai vu toute la scène et je t'assure qu'elle souriait de l'autre côté.

— Je ne m'en suis même pas rendu compte ! fit-elle stupéfaite.

— Tu t'es complètement fait avoir, confirma-t-il, on se serait attendu à mieux de la part d'une Sol !

Le Pouvoir Solitaire - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant