Chapitre 17 - Dolores - Sous surveillance

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La nuit s'est emparée du ciel pour supprimer la lumière. Ce soir, elle occulte même les étoiles et la lune n'est plus qu'un léger ovale dans la toile nuageuse. La météo annonce une véritable tempête dans la soirée. Orages, bourrasques et pluies violentes seront au rendez-vous. Les phares de Dolo éclairent sa rue, déserte, triste, quelques arbres racornis s'élèvent des trottoirs sales. À leurs pieds, des sacs poubelles sont apparus comme des champignons. Demain, c'est le jour du ramassage des déchets, un fardeau de plus à porter. Elle se sent crasseuse, laide, salie, poisseuse. Son entrejambe la fait encore souffrir. Avec Simon, l'échange est toujours sec, saccadé et vide du moindre sentiment, hormis peut-être la honte qui s'insémine en elle à chaque à-coup.

La voiture s'immobilise sur l'emplacement habituel, une devanture sobre, semblable aux autres. Les maisons de rangées sont grises ce soir. La portière claque. Le lampadaire dessine sa silhouette voutée sur l'allée en béton. Dans le prolongement de ses bras, deux mallettes pendent. Dans la première reposent les six nouvelles injections à dispenser. Dans la seconde, les petites coupures sont entassées à hauteur de vingt-cinq mille euros, le paiement habituel. Soixante-quinze mille euros additionnels l'attendent encore à la fin de l'opération. Si elle consolidait le total perçu depuis le début du projet avec le solde à venir, elle atteindrait la somme de deux cent mille euros en cash, et ce, sans inclure les frais de l'inscription de son fils, payée jusqu'à la fin de son cursus. L'offre est inestimable, de celles qui ne se refusent pas. Pour une mère célibataire, c'est plus que la vie pouvait lui promettre. Son regard se perd sur sa façade décrépie. Le salaire unique d'une Maman seule la condamne à payer le loyer de quatre murs qui jamais ne lui appartiendront. Jamais...

Son visage se redresse et son allure devient déterminée. Si Simon veut se forcer à nouveau en elle, elle le laissera faire.

La clé s'insère dans la serrure et la porte d'entrée s'ouvre sur un hall aux couleurs chaudes. Elle évite le miroir pour lui préférer le porte-manteau. Elle y laisse sa veste, ses chaussures, ses mallettes et son amour propre.

Une vibration dans son jeans. Un message de Maxime. En toutes lettres elle peut lire : « Coucou Maman, on skype ? »

Elle sourit. À vingt-deux heures trente, il pense encore à sa Maman. Ses pas l'amènent vers la salle à manger où trône son ordinateur. Son portable vibre à nouveau, un appel cette fois, elle répond du tac au tac.

— Salut mon grand, laisse-moi au moins allumer mon ordi veux-tu ?

— Mon grand ?

Dolo reconnait la voix d'Oscar et fait la grimace.

— Ah salut Oscar, j'allais justement faire un appel visio avec mon fils.

— Ok, je ne vais pas traîner dans ce cas, j'avais juste envie d'entendre le son de ta voix.

Elle se mord les lèvres, intercale le téléphone entre l'épaule et l'oreille et s'installe devant l'ordinateur.

— J'avoue que moi aussi je suis heureuse de t'entendre.

— Ma fille reste chez sa Maman jusque-là semaine prochaine, ça te tente un ciné un de ces soirs ?

La sage-femme sourit avant que deux mallettes ne viennent assombrir son horizon.

— Mon horaire est chargé cette semaine, mais ce week-end, en soirée... pourquoi pas.

— Ce week-end ? C'est cool, mais... enfin je veux dire, ça ne pose pas de problème si ton fils reste seul ?

Elle répond évasive.

— Il a justement une activité à l'internat et ne rentre pas ce week-end.

Un silence, elle l'imagine sourire de l'autre côté du combiné.

L'Égalease - [GAGNANT WATTYS 2022]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant