Chapitre 16 - David - L'invité surprise

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Certains matins possèdent cette brise légère de victoire, ce vent frais qui vous pousse dans le dos, vous soulève pour vous rapprocher des étoiles ou du soleil. Il se glisse dans votre cou et vous murmure : « tout est possible ! ».

David s'est réveillé avec l'énergie du conquérant. Ce jour, il part en mission secrète avec son patron. Les planètes sont alignées, elles reflètent leur éclat sur lui, son heure sonne, il peut entendre la cloche de la victoire vibrer, mais... non... c'est autre chose. Qu'est-ce donc ce tintement dans son appartement ? Une serviette autour de la taille, il entre dans sa cuisine. Le percolateur crachote, l'odeur de café frais emplit les lieux. Du mouvement près du frigo.

— Ah ! Tu es levé mon grand !

David sursaute.

— Maman !!! Mais... Mais que fais-tu ?

Renée lui adresse un sourire tarte à la crème.

— Tu m'as bien dit hier au téléphone que tu avais la réunion la plus importante de ta vie ce matin ?

— Et bien... oui...

— Tu m'as aussi dit que tu étais arrivé horriblement en retard ce lundi.

Il ajoute sur un ton de raillerie :

— Et qu'une certaine fiche débranchée en était responsable.

Elle sourit et lui verse une tasse de café, deux sucres et du lait, comme il le préfère.

— Eh bien je suis venue m'assurer que tu sois bien à l'heure pour ta journée importante.

Elle ouvre une boite renfermant de délicieuses galettes au beurre. Dorées, elles brillent autant que les yeux de David. Dans l'ambiance chaude de la modeste cuisine, ils revivent, l'espace de quelques instants, les souvenirs d'antan, de ceux que seuls un enfant et sa maman peuvent partager.

*

David arrive le premier à l'aéroport de Paris-Le Bourget. Situé à treize kilomètres au nord-est de la capitale, son accessibilité reste assez fluide à cette heure matinale. Sa montre indique sept heures, une demi-heure d'avance, parfait. L'aube répand ses teintes corail sur un paysage en éveil. L'aérodrome s'étend sur un espace de plus de cinq cents hectares. Trois pistes, de nombreux bâtiments, ce pôle de l'industrie aéronautique représente aussi la meilleure alternative de la région pour les vols privés. Les Phenom 100 ou autres Falcon 50 ne passent que de manière exceptionnelle par Charles-de-Gaule et préfèrent cet aéroport secondaire.

Le parking se révèle. À l'arrivée du véhicule, le surveillant s'agite dans son aubette. La réservation est acceptée et quelques minutes plus tard, une navette privée dépose le jeune secrétaire sur le bord de la piste. La surprise frappe David lorsqu'il découvre une silhouette présente au pied du Jet. Telle une fleur qui pousserait sur l'asphalte, le soleil levant éclaire une femme sophistiquée. Recouverte d'un imper vert bouteille, elle dévisage le nouveau venu d'un regard droit. Les cheveux blonds, les traits fins, Jenny Lisart : directrice de la communication et des relations externes.

La porte claque et délivre son occupant. L'approche est hésitante, les consignes de Léon clignotent dans l'esprit du jeune homme.

— Jenny ? Vous n'êtes pas supposée être du voyage.

Elle toise le secrétaire comme s'il s'agissait d'un insecte. La fleur serait-elle carnivore ?

— Bonjour David, moi aussi je suis contente de te voir.

Sa voix possède un léger accent anglo-saxon.

— Oui, oui, bonjour...

Il lance un regard nerveux en direction de la route et ne peut s'empêcher d'ajouter :

— Mais, que faites-vous là ?

Elle penche la tête et adopte une mine intriguée.

— Mais enfin David, je ne comprends pas ton étonnement ! C'est pourtant toi qui m'as demandé d'organiser ce voyage.

David perd toute contenance. Aurait-il manqué de clarté dans sa demande ? Son patron a été explicite sur la discrétion du projet. Se serait-il à nouveau planté ? Léon va le tuer, encore. Une navette approche. Les deux employés pivotent en même temps vers le véhicule. Les portières libèrent Léon Darville. Immense dans son costume sombre, il domine la piste. En retrait, son inséparable directeur opérationnel Tobias le suit. Sa posture lui donne des allures de garde du corps. Un peu moins épais que son patron, une étonnante vivacité anime ses gestes. Sur son visage, l'éclat noir de son regard pique comme la barbe drue de ses joues.

Le groupe au complet, Léon adresse un regard intense à l'attention de Jenny. David ressent un stress immédiat, il ouvre la bouche, mais le CEO le devance :

— Content que tu aies pu te libérer.

Jenny répond d'une voix claire :

— Ton e-mail était limpide. Je me suis organisée pour venir. Tu peux compter sur moi, bien entendu.

Le jeune homme reste un instant hébété. La directrice ne peut réprimer un petit sourire. Le PDG se tourne vers son secrétaire.

— J'ai personnellement demandé à Jenny de se joindre à nous. Elle ne participera pas aux réunions, mais gèrera les questions éventuelles au retour. Sans sa présence, notre voyage aurait paru beaucoup trop suspect.

Devant la mine déconfite, il ajoute.

— J'aurais dû te prévenir.

David reprend contenance.

— Pas de problème Léon. Content que tout soit en ordre.

Le chef d'entreprise redresse la tête d'un air grave.

— Allez, en route compagnons, la journée promet d'être longue.

L'Égalease - [GAGNANT WATTYS 2022]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant