Chapitre 13 - Simon - Chair à canon

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Il est vingt-trois heures, Simon ressent la fatigue des journées à rallonge. Celle-ci ressemble aux poupées russes, les vingt-quatre heures se sont transformées en trois cycles dont chacun contient l'équivalent d'un jour nouveau. Ce matin encore, il était invité chez Grégory, son patron et ami pour déjeuner. L'après-midi, il réceptionnait le « colis » à l'hôpital. Et ce soir, il s'acquitte de sa dernière mission. L'avion les a déposés, lui et Brani, son énorme garde du corps, à Prague. Eddo, leur contact au crâne rasé les attendait sur place. Le temps pour eux de manger un morceau, ils ont ensuite filé vers le lieu de rendez-vous. Quand le véhicule s'est garé à destination, les étoiles scintillaient dans la nuit depuis un moment déjà.

De l'extérieur, l'énorme bâtiment à l'architecture baroque ressemble à ses voisins. Le rez-de-chaussée, aménagé en restaurant, filtre une clientèle « select » dont seuls les membres parrainés obtiennent une réservation. Eddo est resté avec la voiture leur indiquant avec un sourire en coin l'entrée. Simon et Brani se sont présentés et le nom de « Monsieur Constantin » leur a valu un passe-droit, sans quoi, les portes leur seraient restées closes.

Au fond du restaurant, un énorme escalier plonge sous une arcade en pierre. À l'époque, l'espace était sans doute prévu pour permettre aux chevaux de descendre dans le souterrain. Aujourd'hui, les bourrins ont laissé leur place aux purs sangs, et seule la crème accède à cet endroit. Conduits par un homme en costume, Brani et Simon se dirigent vers un nouvel antre d'où quelques vibrations s'échappent. Visiblement, la fête bat son plein.

La cave immense pourrait accueillir plusieurs rames de métro. L'ensemble est plongé dans le noir et de multiples lasers transforment l'espace de leurs rayons bleutés. Une fumée artificielle plane sur les lieux et lorsque les faisceaux colorés les traversent, ils dévoilent toute leur densité. Sur les murs, les pierres de taille sont savamment éclairées pour rehausser un caractère à la fois brut et sophistiqué. Sur une scène surélevée, un DJ envoie des pulsations. D'immenses barres de pompiers accueillent les corps parfaits de déesses acrobates. Au centre, un podium transparent accueille des danseuses vêtues de cuir provocateur. Toujours conduits par leur chaperon, Simon et Brani évoluent dans cette ambiance suave et envoutante.

Au fond de la salle, un nouvel escalier plonge vers un endroit surveillé par quatre molosses. Brani les salue, visiblement, ils se connaissent. Des tentures couleur carmin séparent les deux univers. En réalité, elles camouflent un sas composé de châssis triple vitrage. Les portiers leur ouvrent le passage. Dès que la porte se referme, le son de l'autre pièce est absorbé par l'isolation phonique. Ne restent que les secousses des basses qui sont rapidement couvertes par la musique de leur nouvelle salle.

Simon a l'impression d'être plongé en Transylvanie, en plein cœur du château de Dracula. Une hôtesse les accueille, vêtue du plus simple apparat. Elle ne porte qu'un simple chandelier et un long collier de perles. D'un pas aguicheur, elle les entraîne dans un dédale d'alcôves rouges et noires. Une musique techno mixée avec des gémissements féminins tinte leur avancée d'une ambiance érotique. Les niches obturées titillent l'imagination des visiteurs. Pour Simon, c'est la première fois qu'il pénètre dans cet endroit, mais il ne subsiste aucun doute sur ce qu'il s'y passe. Parfois, lorsque leur passage coïncide avec la sortie d'un des occupants, une tenture à moitié tirée dévoile des morceaux de pièce capitonnée, un lit géant, où miroirs et chandelles se multiplient. Les hôtesses surgissent d'un peu partout, comme des abeilles attirées par un peu de miel. Leurs regards dégoulinent sur le corps des arrivants et Simon peine à garder sa concentration. Au fond du couloir central, un nouveau comptoir. Derrière le bar, un homme et une femme vêtus de peignoirs de soie préparent des plateaux chargés d'alcools hors de prix. Autour, de confortables espaces arrondis sont disposés en quinconce. Toujours conduits par la nymphe au chandelier, Simon et Brani sinuent entre les sièges. Ils tentent d'éviter les regards indiscrets, mais comment ignorer ces gens à moitié nus masqués d'artifices vénitiens en train de s'émoustiller à coup de cire chaude versée sur leurs corps en fusion. Le rythme cardiaque de Simon s'accélère alors qu'ils atteignent l'espace le plus reculé.

L'Égalease - [GAGNANT WATTYS 2022]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant