Chapitre 16 - Maxime - Je vais les retenir

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La porte s'est ouverte et les respirations se sont bloquées. Un escalier les a conduits jusqu'à cet endroit étrange, sorte de bunker souterrain. Les matériaux utilisés ne mentent pas, la construction récente prouve que le souterrain a été construit en même temps que l'Institut. Il s'imbrique parfaitement dans le décor pour passer inaperçu, de quoi abriter un secret à l'abri des regards des étudiants, mais aussi du monde et de la presse.

La porte s'ouvre et les rythmes cardiaques s'accélèrent, la tension s'intensifie. Chloé serre un peu plus Léo dans ses bras. Par instinct, elle glisse sa paume sur les yeux de l'enfant de cinq ans, sans doute pour le protéger de ses propres peurs, mais en réalité, les enfants montrent souvent plus de courage que les adultes.

Léo prend la main de son ange gardien et la tire en avant.

— Viens, je vais te conduire.

Leur guide de cinq ans avance dans un décor tout en couleurs. Un joli lino pastel décline des teintes verdoyantes, comme un pré garni de quelques jolies marguerites. Le chemin en pente annonce que l'étage s'enfonce plus profondément dans le sol. Les cloisons quant à elles se muent en arc en ciel et dessinent de jolis paysages aérés. L'atmosphère antiatomique s'égaie au couleur de jardins d'enfants. Seule l'absence de fenêtre rappelle l'espace confiné dans lequel ils se trouvent. Max murmure :

— On dirait qu'ici ils ne souffrent pas de coupure de courant.

Léo répond de sa toute petite voix.

— Il a fait noir un p'tit peu.

Il mime de ses doigts le court espace qui s'est écoulé sans électricité.

— Un tout petit peu et la porte s'est ouverte.

Chloé s'agenouille.

— Et c'est à cet instant que tu es sorti ?

Il approuve avec un grand sourire, fier de lui. Ensuite l'expression de son visage change.

— Puis j'ai eu peur, j'ai entendu du bruit.

Léo parle d'une voix de plus en plus faible comme s'il s'apprêtait à partager une révélation :

— Je crois qu'il y a un fantôme qui me réveille la nuit... J'ai eu peur alors j'ai couru me cacher !

Nic délaisse la conversation pour observer les alentours. Un peu plus loin, une cloison en plexiglass sépare leur espace de la pièce suivante. En prêtant attention, il distingue les rainures d'une porte quasi invisible. Les charnières semblent coulées à l'intérieur du plexi en trois points de fixations intégrés. Pas de poignée, seul un carré à peine assez grand pour poser sa paume y est dessiné. Derrière cette frontière translucide, une véritable plaine de jeux remplit l'espace. En y regardant de plus près, les visiteurs remarquent que les jeux, bien que colorés et à l'aspect banal, sont bien différents de ceux rencontrés habituellement. Son esprit repère entre-autres un Rubik's cube géant, un puzzle trois dimension constitué de formes géométriques, un jeu de dame où les pions sont remplacés par des personnages masqués bien connus. Viennent ensuite des écrans, des manettes d'un jeu vidéo d'une autre génération. Sur une étagère adaptée à la taille d'enfants en bas âge, des casques de réalité virtuelle patientent. Peinturlurés par des traces de mains colorées, ils portent de flagrantes marques d'usure. Visiblement, ils sont utilisés fréquemment. Sans s'en rendre compte, Nic s'est avancé jusqu'à la cloison translucide. Sa respiration y dépose une légère buée à peine perceptible. Le petit Léo le rejoint et glisse sa main dans la sienne.

— Tu vas m'aider à rentrer chez moi ? Oui ? Et si le fantôme vient, tu vas l'attaquer ?

Le regard de l'ado tombe sur le visage implorant.

— Oui mon grand, mais avant tu vas m'expliquer ce que c'est que cet endroit.

Léo hausse les épaules.

— C'est mon école et ma maison. Je vis ici avec les copains et les copines.

Chloé et Max, restés en retrait, assistent à la scène. Estomaqués par l'improbabilité des évènements, leurs yeux sont pendus aux lèvres de l'enfant. Sans s'en rendre compte, leurs doigts se frôlent, ils se retrouvent et se glissent les uns contre les autres afin de se lier dans une étreinte rassurante. Nic reprend le cours de sa conversation. Il a envie de demander à Léo où est sa Maman mais la question reste bloquée comme s'il ressentait le nœud d'un problème trop important pour le temps imparti. Il se contente de continuer sur sa lancée en masquant l'émotion dans sa voix :

— Et vous êtes combien ?

— Quatre-vingt-deux.

La réponse, trop vive, trop nette, surprend l'ado. Ce n'est pas un chiffre balancé comme ça, c'est une réponse apprise par cœur.

— Tu es sûr ?

Sans attendre, l'enfant répond :

— 1 Noé, 2 Oscar, 3 Cléa, 4 Élise, 5 Nicolas Frichart, 6 Tom, 7 Luca Donatello, 8 Livia, 9 Elsa, 10 Nicolas Stanisky, 11 Théo Prillon, 12 Luca Chiaro, 13...

Nic l'interrompt.

— Attends, tu connais par cœur le nom et le numéro de tes 82 copains et copines ?

— Je n'ai que 81 copains et copines, car je fais partie de la classe. Avec moi ça fait 82.

Pour toute réponse, l'ado pivote dans la direction de ses deux amis. Il a un visage tassé sur lui-même. Son menton renfoncé vers sa pomme d'Adam semble vouloir dire : ce gosse de 5 ans est plus intelligent que moi. Ensuite, son faciès change. Il remarque un mouvement de recul chez Chloé et Max. Il ne bouge pas d'un cil, mais comprend que d'une manière ou d'une autre un danger approche. Instinctivement, ses deux amis reculent pour rejoindre la porte de l'escalier qui les a conduits jusqu'ici. Max murmure à l'attention de Nic :

— Fais gaffe ! Derrière toi ! Couche-toi et rampe jusqu'à nous, vite !

Déjà des silhouettes se dessinent au loin et foncent au pas de course en direction des intrus. Max et Chloé sont à présent à l'ombre de la cage d'escalier. Ils tendent une main implorante en direction de Nic. Il secoue la tête.

— Barrez-vous, je vais les retenir. Mon père est actionnaire, ils ne pourront rien me faire.

Sans plus attendre, Max s'engouffre à l'abri et tire Chloé à lui. Elle tente un dernier regard et voit deux gardes foncer matraque au poing vers Nicolas. L'ado écarte les mains en signe de paix, mais cela n'a pas l'effet escompté. À l'instant où les gardes atteignent la cloison de plexi, Max referme la porte de l'escalier. Il agrippe Chloé par les épaules et lui souffle :

- Cours Chloé... Cours à toute vitesse.

L'Égalease - [GAGNANT WATTYS 2022]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant