L'Égalease - [GAGNANT WATTYS 2022]

Chapitre 33 - Dolores - Derrière une porte close

Dans la cage d'escalier, les décors tourbillonnent. Astrid gît dans une posture disloquée et les secondes peinent à s'égrener. D'un geste tremblant, Dolo saisit la mallette en prenant garde de ne rien toucher d'autre. Ensuite, elle décide de revenir sur ses pas, comme un automate incapable de penser. Elle utilise sa manche pour enclencher la poignée et ouvrir la porte. Sortie de la cage d'escalier, l'infirmière revient dans la maternité. Il n'y a qu'une patiente ce soir et Valy arrivera dans quelques minutes. Le service ne risque rien et son absence passera inaperçue. Blanche comme un linge, elle se dirige vers la salle de repos. Dans la pièce, un silence de mort plane. D'une main fébrile, Dolores reprend ses affaires. Prête à s'éloigner, elle s'immobilise sur le pas de la porte. Elle décide de laisser une note pour son amie. En toute hâte elle griffonne :

Je dois m'absenter dix minutes avant l'heure, une urgence. Ce soir, rien à signaler. Des bises Dolores.

Elle abandonne la feuille de papier sur la table et reprend le chemin de la sortie. Un vide glacé lui grignote la poitrine, elle y ressent un fourmillement, comme si sa surface s'effritait tandis que l'intérieur venait de s'effondrer.

Elle se dirige d'un pas mal assuré vers les ascenseurs. Son esprit reprend peu à peu son fonctionnement. Il n'y a pas de caméras dans le couloir de la maternité ni dans les escaliers. L'accident passera sans doute pour une glissade malheureuse. L'ascenseur s'ouvre. Son doigt sélectionne le rez-de-chaussée. Elle doit rendre sa mallette à Simon, il est à l'hôpital, c'est sa chance, sans doute la seule. Elle mettra un terme à leur relation, que cela lui plaise ou non. Les choses sont allées trop loin, beaucoup trop loin. La mallette rendue, elle mettra les voiles. Elle fera un détour par l'Institut, récupèrera son fils et ensuite, ils partiront. Avec l'argent déjà reçu en cash, ils seront en mesure de recommencer une nouvelle vie ailleurs. Certes, le luxe des grandes écoles restera inaccessible, mais ils seront ensemble et en liberté. La vision de Max venant la visiter en prison l'assaille. Elle secoue un visage blême pour chasser cette image d'horreur.

Les pans de l'ascenseur s'ouvrent. Dolores traverse l'atrium pour atteindre la réception. Börg lui lance un regard inquiet.

— Dolores tout va bien ?

— Oui, oui... Dis-moi, saurais-tu par hasard où se trouve le docteur que tu as photographié ?

— Euh... oui, il m'a demandé des informations sur un patient des urgences en « trauma 4 » je crois que...

— Merci Börg.

Sans plus attendre, elle délaisse le réceptionniste et poursuit son avancée, semi-consciente. Le couloir des urgences s'éclaire devant ses pas. Médecins, patients et urgentistes ne sont que des ombres informes. Elle ne remarque pas l'homme qui la suit. La cinquantaine, grand, mal rasé, noir de cheveux, ses allures de gangster auraient dû éveiller les soupçons de l'infirmière, mais son état d'esprit a basculé bien au-delà de toute vigilance.

Arrivée à destination, elle ne marque aucun temps d'arrêt. Sans réfléchir, elle ouvre la porte de la chambre. Simon est devant le lit d'un patient inconscient, il semble penché sur son visage. Lorsque la porte s'ouvre, le rai de lumière alarme le médecin. Son visage se retourne vivement en direction de l'infirmière. Avec effroi, Dolores découvre Simon en appui tendu. Ses mains compriment un oreiller sur le visage de Léon, un Léon sans défense. Elle approche une main de sa bouche pour retenir un cri terrifié. L'étouffement de la victime est assuré.