Chapitre 20 - Dolores - Le numéro d'urgence

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L'heure de vérité sonne parfois de manière amère. Dans certains cas, la question prend toute son importance. Faut-il chercher les explications de manière systématique ou vaut-il mieux se laisser porter par l'ignorance ? Pour Chloé, l'heure est à la déchirure, au regret, au pourquoi. Aurait-elle été plus heureuse en bâtissant sa vie sur un mensonge ? Aujourd'hui, elle sait. À elle de trouver les autres réponses.

Après la déflagration, le cœur de la jeune fille a implosé, rien n'aurait pu la préserver du sang de son père. Elle s'est écroulée, hurlant, griffant, crachant même. Max n'est pas parvenu à l'atteindre. Ce voile de souffrance qui la séparait de la raison était trop épais, même pour lui. La douleur a parfois le don de transformer les gens, parfois elle les change à jamais.

Bruno et Didier sont arrivés en courant, arme au poing. Lorsqu'ils ont découvert la scène, ils ont pris leurs alliés par le bras et les ont tirés du marasme qui les emprisonnait. Alors qu'ils atteignaient la cour, ils percevaient encore les cris de détresse de Chloé.

*

Les portières claquent et la Range Rover vert bouteille se remet en route, suivie par le second véhicule et ses deux hommes. Seul le vrombissement du moteur vient perturber le calme de l'habitacle. Quelque chose de desséché émane de Max, comme si le trou dans la boite crânienne du père de Chloé aspirait toute la vie qui jusqu'alors émanait de ses seize ans.

D'un mouvement sec du volant, Tobias se gare sur un accotement. Il freine des deux pieds et propulse les occupants vers l'avant, forçant les ceintures de sécurité à entrer en action. Dolores et Max lancent un regard alarmé, presque implorant en direction de Tobias. Un stress immédiat gagne la sage-femme. Elle ressent un danger imminent. Les larmes lui montent aux yeux. D'une voix rauque, elle souffle :

— Non... s'il vous plaît, ne nous tuez pas, nous ne dirons rien. Tout ce que nous voulons, c'est disparaître, nous faire oublier.

Elle secoue un visage désarmé, rougi par les larmes. Á l'arrière, Max serre les dents et les poings. Prêt à bondir il fixe la nuque du chauffeur. S'il doit cogner, il y mettra toutes ses forces. Sans un mot, Tobias défait sa ceinture de sécurité. Il déclare d'une voix calme, presque vaincue :

— Nous sommes foutus, cet homme était le seul lien entre les faits et cette ombre que nous pourchassons.

Il secoue une mine déçue.

— La suite des évènements n'est plus dans nos mains, la police va nous tomber dessus, ce n'est qu'une question de temps et nous n'avons rien de tangible à leur soumettre...

Il ouvre la portière de moitié et lance ensuite un regard droit à l'attention de Dolores. Il lui sourit. Il aurait envie d'essuyer ses larmes, mais n'ose pas.

— Je ne vais pas vous tuer, non, bien au contraire.

Le visage du Grec pivote en direction de Max. La tension visible chez le jeune homme lui arrache un demi-sourire.

— Toi et ta mère en avez assez bavé.

Il revient vers l'infirmière. Jolie, elle possède ce mélange de force et de fragilité qui la rend si femme. Si Max n'était pas dans la voiture, il lui volerait sans doute un baiser. Il s'attarde un peu trop longtemps sur son visage, ce qui trouble la jeune femme. Le Méditerranéen lui lance sur un ton éclatant de charisme :

— Vous, je peux encore vous sauver.

Sans rien ajouter de plus, il descend du véhicule et, à leur surprise, abandonne les deux occupants. Au dernier instant, il se retient de claquer la portière. D'un geste lent, il dirige sa main vers la poche intérieure de son veston. Il en ressort une carte de visite. Il incline le visage et plonge dans le regard de Dolores.

— Je te laisse mon numéro...

Elle reste sans voix. Il hausse les épaules d'une manière mi-vaine, mi-désinvolte.

— Un jour peut-être.

Un peu plus loin patiente la voiture de Didier et Bruno, l'écart de route les a surpris eux aussi. Presque cinquante mètres les séparent.

Les épaules bien droites et le regard fier, Tobias avance d'un pas décidé vers ses hommes de confiance. D'un geste assuré, il prend son téléphone et compose un numéro.

— Interpol bonjour.

Il parle d'une voix grave.

— Bonjour, je voudrais parler au Capitaine Lionel Salmon.

— Je suis désolée, mais le Capitaine n'est pas encore en service à cette heure.

— Réveillez-le ! Dites-lui que Tobias Sancteris tente de le joindre. Je dois lui transmettre des informations de toute urgence, Madame, c'est une notice orange, réveillez-le, réveillez-le tout de suite.


L'Égalease - [GAGNANT WATTYS 2022]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant