Troisième partie - Chapitre 1 - David - La cheville ouvrière

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Prague, joyau de la vieille Europe, scintille sous l'éclat du printemps. Dans son écrin de verdure, la Vltava sinue au rythme d'un courant doux. Les célèbres ponts Palacký, Charles et Troja forment des arceaux, sortes de jonction entre l'Humanité et la nature. La ville aux mille clochers s'illustre par ses notes végétales. Les chênes, les hêtres, et les tilleuls bordent le cours d'eau pour arrondir le paysage dans une harmonie parfaite.

L'avion atterrit sur l'asphalte sans trop de secousses. David jette un regard vers sa montre, neuf heures du matin, trente minutes à peine les séparent du centre de la capitale. Chacun se prépare. Le jeune premier ne peut retenir quelques œillades furtives en direction de Jenny. Ses traits sophistiqués contrastent avec une tenue mi-professionnelle, mi-légère. Le chemisier semble déboutonné sur trois niveaux et la jupe laisse entrevoir des courbes élancées, fermes et prometteuses. Finalement, un passager de plus peut avoir des avantages, encore faut-il qu'une directrice s'intéresse à un simple secrétaire.

La voiture les entraîne vers la vieille ville. Les avenues jaillissent dans un mélange de style architectural. Le chauffeur les dépose au cœur du quartier traditionnel de Malá Strana. Situées à flanc de coteau, les enseignes de restaurants et de pubs fleurissent de toute part. L'hôtel devise avec la vieille ville de l'autre côté du célèbre pont Charles. Le soleil irradie, il trace un chemin d'or sur la Vtlava et se réverbère sur les façades claires.

Léon réajuste sa veste et s'adresse à son jeune employé.

— David, merci ! Jusqu'ici tout se passe sans encombre. Qu'as-tu choisi pour notre logement ?

Jenny et Tobias affichent de l'intérêt. Un sentiment d'importance gagne le cadet du groupe.

— Avec notre réservation de dernière minute, tout était complet dans la vieille ville, mais je me suis quand même débrouillé pour avoir une vue sur elle.

L'attroupement suit le doigt brandi en direction de l'autre rive où les clochers baroques pointillent dans un panorama parsemé de toitures en tuiles rouges traditionnelles.

— Il nous suffira d'emprunter le célèbre pont aux trente statues, juste là, pour la rejoindre.

Le PDG se racle la gorge.

— Trace, je te rappelle que nous ne sommes pas là pour faire du tourisme.

— Oui oui, bien sûr, le logement, c'est par ici !

David se retourne et avance en direction d'une large tour de style gothique.

— Soyez les bienvenus à l'hôtel de Věží.

Sa prononciation n'est pas trop mauvaise pour un francophone. La confiance le gagne. Les trois visages affichent de la satisfaction, certains semblent même séduits. David ajoute sur un ton conquérant :

— C'est un hôtel de charme, ils n'ont que peu de lits, ce qui correspond aux directives. Venez avec moi, je nous ai obtenu un joli pied à terre. Vous verrez.

Satisfait de son entrée en matière, le jeune secrétaire fait ses premiers pas dans un univers qu'il croyait jusqu'alors inaccessible.

*

Quelques coups résonnent sur le panneau de bois. Plusieurs pas répondent, ensuite, la chambre de Léon s'ouvre sur Tobias. Le veston ouvert et la chemise cintrée lui donnent des allures de gangster. Taillé dans le marbre, le Grec a endurci les fibres de son corps en travaillant près de vingt ans sur les chantiers. À l'époque, l'outil principal était l'homme et son huile de coude. Le travail forgeait les caractères aussi bien que les carrures. Aujourd'hui, les ouvriers s'appuient sur les manches des pelles pour regarder les machines travailler. Sous les casques en plastique et les vestons fluo se cachent les restes de ce que Léon appelait par le passé des Hommes, des Hommes dont Tobias fait encore partie.

L'Égalease - [GAGNANT WATTYS 2022]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant