Chapitre 29 - David - Avez-vous besoin d'assistance ?

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David leur a dégotté un vol sur une compagnie aérienne « low-cost » irlandaise qui offre la liaison Prague – Paris Beauvais. La précarité du retour dénote avec le luxe de l'aller. Ici, tout se paie, et l'espace consacré au confort n'est pas la priorité.

Le vol s'est déroulé sans encombre, enfin, mis à part l'anxiété due à la situation. Dans la tête du secrétaire, les informations ont circulé en boucle. Refaire le film encore et encore pour identifier le détail, celui qui permettrait de comprendre le fin mot de toute cette histoire. De son côté, Jenny est restée très silencieuse, comme si l'annonce du licenciement avait tiré un trait sur leur relation. Froide, distante, elle s'est contentée de fermer les yeux durant tout le trajet. David n'a pu s'empêcher d'observer ses traits délicats. Un visage aussi fin qu'élégant. Derrière l'apparence d'une beauté froide, il se remémore les rires d'une chambre d'hôtel et les larmes fugaces qu'une simple mélodie aura pu lui arracher. David l'a observée pendant presque toute la durée du vol. À deux reprises elle a surpris ses regards indiscrets. David pourrait jurer qu'à chaque fois s'en est suivi un léger sourire presque éphémère, à peine perceptible, mais suffisant pour lui délivrer un message. Derrière la distance froide qu'elle a installée entre eux subsiste la véritable Jenny qu'elle s'efforce de camoufler.

Le soleil décroît et la soirée s'installe quand David et Jenny quittent l'aéroport. Ils délaissent le terminal bruyant pour se diriger vers le parking. David prend son portable.

— Je vais appeler Lucie afin de voir comment évolue la situation.

Jenny aussi expressive qu'une pierre ne répond pas.

— Allo Lucie ?

— David ?

— Oui ! Nous venons d'atterrir.

— Arnaud t'attend. Je lui ai demandé de venir te chercher, j'ai dû insister... Arnaud voulait rester disponible au cas où Papa aurait besoin de son chauffeur. J'ai fini par le convaincre, comme l'aéroport n'est pas très loin.

David écarquille les yeux. Si demander les services d'Arnaud relève de l'impossible, alors la situation perd vraiment tout contrôle. Pour toute réponse, il se contente de dire :

— Merci Lucie, merci pour ton aide.

*

La voiture s'enfonce dans l'allée boisée de la propriété, mais cette fois, le trajet ne rend pas les mêmes sensations qu'autrefois. Hier encore, l'activité de Darville Entreprises irradiait de toute part. Sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les camions déambulaient chargés de matériaux pour alimenter les chantiers aux quatre coins du pays. Mais ce soir, les zones de chargement vides et les entrepôts déserts donnent froid dans le dos. Même les immenses tours à béton sont à l'arrêt. L'impression de pénétrer dans une zone industrielle postapocalyptique assaille les occupants. Arnaud murmure : la circulation n'a jamais été aussi calme par ici. À l'arrière, Jenny et David échangent un regard interdit. Sans parler, ils se comprennent. Une connexion s'est établie entre eux, de celles qui ne se calculent pas, mais qui s'installent à la vitesse d'un courant électrique. Parfois, un seul regard suffit.

Le véhicule traverse la forêt, frontière boisée qui sépare le manoir de l'entreprise, pour aboutir sur l'immense propriété. Une lueur chaude éclaire les fenêtres du rez-de-chaussée. Un attroupement anime la devanture, David reconnait Tobias. En pleine discussion, il échange de grands gestes avec une cinquantaine de personnes. À voir les carrures et les camionnettes floquées « Darville Constructions », ce sont ses chefs d'équipes, les vieux de la vieille, les plus fidèles, ceux que Léon considérait comme l'essence de sa société, sa famille.

L'Égalease - [GAGNANT WATTYS 2022]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant