Chapitre 13 - Dolores - Ball trap

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L'heure qui précède l'aube possède un état particulier. La terre rend ses dernières notes de fraîcheur, la rosée perle, les oiseaux s'éveillent, mais en réalité c'est un tout un monde qui s'ébouriffe.

La voiture longe la route nationale. Leur destination, invisible dans la toile de nuit, est pourtant toute proche. Le ciel toujours plongé dans l'obscurité annonce à sa manière la clarté à venir, comme si le noir pouvait avoir plusieurs nuances. En cet instant, il se charge de promesses, celle d'une aube rouge.

Les pneus crissent dans le parking et le véhicule s'immobilise. Dolores lâche le volant, comme si elle venait de parcourir ces deux cents kilomètres en apnée. Elle se tourne vers son fils et Chloé.

— Vite, suivez-moi, et pas un mot sur l'Institut.

Oscar se saisit de son téléphone et annonce :

— J'envoie un message pour prévenir que je risque d'être en retard pour récupérer ma fille.

Dolores opine et reprend :

— Nos poursuivants ne nous ont pas vus prendre la sortie, mais nous devons supposer qu'ils savent où nous habitons.

Max s'exclame :

— Comment pourraient-ils déjà le savoir ?

Dolo bute sur la réponse.

— C'est... c'est en partie ma faute, mais je n'ai pas le temps de t'expliquer.

Elle secoue la tête pour chasser les pensées parasites et revenir vers l'objectif.

— Mike peut nous aider, il connaît du monde et pourra récupérer nos affaires.

Son regard se plante dans celui de son fils.

— J'ai de quoi nous offrir un nouveau départ.

Ses yeux obliquent ensuite vers Chloé.

— Nous demanderons aussi à mon ami de te ramener chez toi.

L'air satisfait, Oscar range son téléphone dans sa poche intérieure. Dolo conclut :

— Bien, à présent suivez-moi et laissez-moi gérer les explications.

*

Le stand de tir a des allures très différentes à cinq heures du matin. Dans la cafétéria, les chaises sont retournées sur les tables, le détergent exhale ses parfums et seul l'éclairage indirect du bar révèle la disposition des lieux. Mais la différence la plus marquante réside dans le silence. Un silence prégnant. Le bruit des tirs intermittents, du passage, des conversations et des verres qui s'entrechoquent s'est éteint. Ce matin, tout s'est tu pour écouter les révélations de Dolores.

Mike, athlétique, cheveux courts blancs coiffés vers l'avant, les a accueillis avec une mine renfrognée. Il porte en toute saison des cols roulés foncés, ce qui lui donne des allures de tueur à gages, à moins que cette impression soit due à la rangée de fusils d'assaut qu'il expose derrière son comptoir. Julie, sa compagne, est aussi présente. Petite, blonde, sèche et nerveuse comme un ressort sous tension, elle possède quelque chose de froid dans le regard. Dolores leur raconte une version édulcorée de son histoire. Mike était un ami de son père, il fait en quelque sorte partie de la famille, comme un oncle un peu éloigné, mais qui compte plus que certains parents directs...

Le carillon retentit. Mike s'exclame :

— C'est Olivier.

Olivier, le barman au visage boulonné de piercing. Il rejoint l'attroupement au pas de course. Son visage alarmé n'annonce rien de bon.

L'Égalease - [GAGNANT WATTYS 2022]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant