Chapitre 10 - Maxime - Des bulles dans le noir

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Dans la cour de récré, l'orage laisse éclater toutes ses larmes de colère. Les éclairs défigurent le ciel au rythme des grondements célestes. Lorsque la porte de l'aile administrative s'ouvre, l'extérieur est secoué par la pluie et le vent. Un frisson gagne Maxime, la consultation des dossiers s'est éternisée plus qu'il ne l'aurait voulu. Les yeux de l'adolescent sondent le terrain de football soumis à de puissantes ondées. La nuit d'encre ne renvoie que des ombres fantomatiques. Devant lui, le préau n'est qu'un couloir d'ombre insondable. Le doute s'installe alors qu'il peine à apercevoir la moindre silhouette. Ses oreilles se tendent à la recherche d'un bruit capable de lui apporter un élément de réponse, mais seul le martèlement de la pluie sur la toiture répond à son appel silencieux. Une voix jaillit d'un recoin et lui arrache un sursaut.

— T'en as mis du temps ! Tu t'es touché dans le bureau de Starski ou quoi ?

Ses deux amis émergent du tréfonds du préau. Chloé s'avance.

— Plus le temps passait, plus on a cru que tu t'étais fait pincer. On s'est caché sans savoir qui de toi ou d'un surveillant sortirait par cette porte.

Transis de froid, ils lancent un regard interrogatif vers le nouvel arrivant. Max hausse les épaules. Les explications de son retard, il les gardera pour lui. Il se contente de répondre :

— Bon, la porte est ouverte, c'est ce que vous vouliez non ? Vous venez ou vous préférez rentrer bien sagement dans vos chambres ?

Le ton aventureux a le don de faire sourire l'étudiante. Elle lui répond :

— Après toi.

Max s'apprête à prendre la tête du trio lorsque Nic s'intercale.

— Non désolé, mais c'est moi qui prends les devants. Avec vous, on risque de s'égarer et de passer encore une demi-heure à traîner pour rien.

Le leader s'approprie la tête de l'expédition sans recevoir la moindre protestation. Derrière lui, deux regards ne parviennent pas à se décrocher l'un de l'autre. Chloé se fixe sur son prince charmant avec un air particulier, une vision qu'il apprécie tout particulièrement.

La porte se referme et un monde d'interdits s'ouvre à eux.

— Par ici !

Les baskets rebondissent sur les marches de l'escalier. Suivi par ses compères, Nic s'enfonce à toute allure dans les couloirs endormis. Le sentiment de liberté les gagne et leur donne des ailes. L'humidité s'évapore et emporte avec elle l'ouate rassurante de la bienséance. Vivants, ils fendent la nuit de leur jeunesse éclatante. Nic semble savoir exactement où se rendre. Une bifurcation après l'autre, il les entraîne vers un carrefour en « T ». À droite, le couloir s'achève sur un cul-de-sac, à gauche une double porte les attend.

— C'est la salle de réception. Suivez-moi, ça va être top !

Sans rien ajouter, le leader s'engage dans cette nouvelle pièce. L'absence de lumière les force à évoluer avec prudence. Ils traversent une salle prévue pour accueillir plusieurs centaines de personnes. Nic souffle :

— Mes parents et moi sommes venus ici lors de l'inauguration du centre.

— Canon... murmure Chloé.

Max écoute d'une oreille distraite. Dans leur obscure exploration, un rai de lumière l'a touché en plein cœur. Une main a rencontré la sienne, elle a glissé ses doigts entre les siens et sans un mot, ils se parlent, se disent toute la chaleur qui coule dans leurs veines et toute la passion que deux âmes en découverte d'elles-mêmes sont prêtes à partager.

— Avec un peu de chance, on devrait tomber sur leurs réserves de champagne.

Nic ouvre une nouvelle porte et pénètre dans un univers différent, celui d'une cuisine de collectivité éclairée par le faisceau de son smartphone. Ses pas le dirigent vers la chambre froide.

— Attendez-moi là.

Il disparaît. Une réaction immédiate opère. Deux bras s'enroulent autour du cou de Max. Il se raidit et répond en glissant ses mains sur la taille de Chloé. Leurs lèvres se frôlent, ensuite, le contact devient intense, fougueux, passionnel à en perturber les lois de la pesanteur. L'équilibre délicat de leurs émotions explose en un feu d'artifice. Du bruit. Nic. Le retour de l'explorateur brise, l'espace d'un instant, le lien qui les unissait, mais le retour de flamme se veut puissant. Leur baiser vient d'allumer un brasier qui n'est pas près de s'éteindre. Ils s'écartent, mais ne peuvent s'empêcher de garder leurs mains jointes, comme nouées par le désir ardent d'être réunis à nouveau.

— Bingo !

L'explorateur juvénile exhibe deux bouteilles d'une veuve millésimée dont le nom n'importe pas.

— Cette soirée est à nous !

— Chpop ! Chpop !

Deux explosions de bouchon plus tard, Nico boit avidement sa bouteille alors que les deux tourtereaux se partagent la seconde.

Dans le noir, la main de Chloé trouve celle de Max. Elle la serre de manière à attirer son attention avant de dire :

— Je dois aller aux toilettes.

Nic répond d'un ton désinvolte :

— Reviens sur tes pas, traverse la double porte et tu trouveras un cul-de-sac en face de la salle de réception. Les toilettes se situent dans cette portion du couloir.

Max annonce :

— Je viens avec toi, moi aussi je dois pisser.

Le leader lève les yeux au ciel.

— Laissez-moi votre bouteille au moins, que j'ai de quoi m'occuper pendant que vous... vidangez.

Un sourire narquois traverse son visage. Chloé et Max ne prennent pas le temps de s'en embarrasser. Sans perdre une seconde, ils s'évanouissent en direction d'un endroit discret, privé et isolé qui n'attend plus qu'eux. Au bout du couloir, ils trouvent les toilettes, comme indiqué par leur ami. Ils hésitent, les toilettes ce n'est pas vraiment « glamour ». Le fond du corridor aboutit sur un dernier accès, une troisième porte, close. L'adolescente tente sa chance vers cette dernière. La lumière de son téléphone éclaire un local technique, quelques outils, des étagères et beaucoup de matériel d'entretien. Max rentre à son tour quand des deux mains, elle l'attrape par le veston et colle ses lèvres sur les siennes. Enfin seuls, leur désir explose, il jaillit. Leurs corps fébriles se cherchent dans un bruit de mobilier bousculé. Leur respiration devient saccadée, le sang ébouillante leurs joues alors que les mains se baladent d'un endroit brûlant à l'autre. Dès le premier contact, Chloé laisse échapper un soupir dans le creux de l'oreille de Max. Son gémissement allume un interrupteur primal, il réveille un afflux hormonal incontrôlable, sa virilité circule dans tout son corps. Il la soulève du sol et avance en direction du mur du fond. Leurs corps se collent l'un à l'autre. Elle enfonce ses doigts dans ses cheveux alors qu'elle plonge sa langue en lui. Il la coince sur la cloison de béton, l'effet est immédiat, elle libère un nouveau gémissement, presque un pleur d'enfant. Sa main s'enfonce sous la veste, elle cherche l'encart et glisse sur la peau de son ventre pour remonter. Nouveau bruit de pleur. Max et Chloé se figent tous deux. Ils tendent l'oreille. Encore un sanglot, un peu plus net cette fois. Leur regard alarmé leur confirme qu'ils n'ont pas rêvé, un enfant pleure dans les environs.

L'Égalease - [GAGNANT WATTYS 2022]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant