8 : Pression

459 15 0
                                    

L'expression d'Ezekiel se figea, et sa colère s'évapora aussi rapidement qu'une ombre chassée par la lumière. Un masque d'indifférence glaciale recouvrit ses traits, rendant son visage impassible. Il se redressa lentement, ses yeux sombres et vides me transperçant comme des flèches. Puis, sans un mot, il tourna les talons. La porte claqua derrière lui avec une brutalité telle qu'elle résonna dans toute la pièce comme un coup de tonnerre, faisant vibrer mes os et me paralysant sur place.

Le choc me submergea. Des sanglots incontrôlables m'envahirent, éclatant en un torrent de pleurs, comme une digue brisée sous le poids des eaux tumultueuses. La douleur, la peur, l'humiliation, tout s'effondra sur moi d'un coup, me laissant dévastée et désorientée, comme une poupée brisée.

Après un moment qui sembla une éternité, des pas précipités résonnèrent dans le couloir. La porte s'ouvrit brutalement, et Tania fit irruption, son visage marqué par une inquiétude palpable. Elle ne perdit pas un instant, se précipitant vers moi et tombant à genoux à mes côtés, sa présence comme un phare dans la tempête qui faisait rage en moi.

— Anastasia, tu vas bien ? demanda-t-elle, sa voix tremblante d'angoisse.

Elle m'enlaça doucement, ses gestes empreints de tendresse, un contraste saisissant avec la brutalité dont j'avais été victime. Ses murmures de réconfort parvenaient à peine à percer le voile de mes pleurs. J'avais tellement envie de me montrer forte, de garder la tête haute, mais la façade que j'avais minutieusement construite venait de s'effondrer, laissant place à une vulnérabilité déchirante. J'étais brisée, écorchée vive par celui qui prétendait être mon mari, et qui me haïssait sans raison. La colère et le désespoir tourbillonnaient en moi, un maelström d'émotions que je ne parvenais plus à maîtriser.

Tania, toujours aussi douce et déterminée, se leva pour chercher une trousse de secours. Lorsqu'elle revint, elle s'agenouilla à nouveau près de moi, commençant à désinfecter la brûlure sur ma cuisse. Je serrai les dents, sentant le picotement aigu de l'antiseptique s'enfoncer dans ma peau meurtrie, une douleur vive mais bien dérisoire comparée à celle qui déchirait mon esprit.

— Ezekiel n'est pas quelqu'un de mauvais, dit-elle d'une voix désolée, ses yeux trahissant une empathie sincère. Il traverse une période difficile, avec toute la pression que sa famille lui met. Cela le rend... agressif.

Je levai les yeux vers elle, incrédule, un mélange de colère et de déception me submergeant. De toutes les excuses pitoyables qu'on pouvait imaginer, celle-ci était la plus pathétique. Comment pouvait-elle justifier sa violence ? Comment pouvait-elle, en tant que femme, minimiser la souffrance qu'il m'infligeait ? Une amertume glaciale me traversa, brisant ce qu'il restait de confiance en elle.

Le reste de la journée se déroula dans un silence oppressant. Après cet épisode dévastateur, je pris une longue douche pour tenter d'évacuer mon esprit. L'eau chaude apaisait mes muscles tendus, mais l'image de mes mains tremblantes glissant sur ma peau marquée ne faisait que renforcer ma détresse. Je sortis de la douche et me contemplai dans le miroir. Mon reflet semblait vide, une ombre de la personne que j'étais autrefois. Quelques jours à peine ici, et ma vie se délitait déjà entre mes doigts.

Que faisait-il dans ma chambre, ce clochard ?

Je laissai tomber le peignoir, examinant mon corps amaigri, le regard vide et désespéré. J'avais perdu tant de poids en si peu de temps. La nourriture me dégoûtait, chaque bouchée me rappelant les horreurs que je subissais.

— Si je continue comme ça, je finirai par rejoindre mes parents dans l'au-delà, murmurai-je à moi-même, une ironie amère dans la voix.

Après m'être rhabillée, je me dirigeai vers mon bureau, mais je fus stoppée net par la présence froide de Jennifer, debout devant la porte, les bras croisés. Son regard me jugeait avec mépris, sa bouche tordue dans un rictus de dégoût.

— J'ai appris que toi et Ezekiel avez eu une violente dispute, dit-elle sèchement, ses mots tranchants comme une lame. Il y aura un dîner de famille bientôt. Comportez-vous comme un couple normal.

Ses paroles résonnèrent dans l'air, et je ressentis une vague de colère m'envahir, comme une mer déchaînée. Jennifer était une froideur incarnée, et son regard perçant me transperçait de part en part.

— Oui, je ferai ce qu'il faut, répondis-je, les sourcils froncés, tentant de contenir la colère qui bouillonnait en moi.

Elle m'examina une dernière fois, de haut en bas, avant de cracher avec dédain :

— Nourris-toi. Tu es pathétique.

Elle tourna les talons, me laissant seule avec ma rage grandissante. Serrant les poings, je murmurai entre mes dents, la voix chargée de ressentiment :

— Sale chienne...

En entrant dans mon bureau, je fus frappée par la vue inattendue d'un plateau de pâtisseries et de boissons chaudes, soigneusement disposé sur ma table. À côté, une crème anti-inflammatoire attirait mon regard. Intriguée, je saisis le mot posé là, l'ouvris et le lus d'un œil incrédule.

— Mange et soigne-toi, sinon je te tue.

Un rire amer m'échappa, trahissant la douleur que je tentais de dissimuler. Je m'attendais à une lettre empreinte de tendresse, mais voilà que je recevais une menace, aussi sarcastique qu'horrifiante. L'idée même de toucher à ce qu'il avait préparé me retournait l'estomac.

— Plutôt mourir que de toucher à ce que tu me donnes, murmurai-je, déchirant la lettre et la jetant à la poubelle avec véhémence.

Mon ventre grognait, mais je fermai les yeux sur cette réalité, me plongeant dans les piles de documents qui s'amoncelèrent sur mon bureau. Pour éviter de me perdre dans mes pensées tourmentées, je décidai d'établir un calendrier, une liste de tâches à accomplir dans les jours à venir. La tension dans l'air se faisait palpable alors que je savais que des réunions avec les associés étaient à venir. Je devais être prête à affronter cette nouvelle épreuve, coûte que coûte.

Soudain, un coup discret retentit à la porte.

— Anastasia ? appela une voix familière. C'était Armon.

— Oui, entre, répondis-je, redressant légèrement mon siège pour afficher une façade de normalité.

La porte s'ouvrit, et Armon entra, vêtu d'un costume sombre qui lui conférait une élégance indéniable, suivi de plusieurs hommes en noir. Leur présence imposante remplit instantanément la pièce d'une atmosphère chargée de tension. Ils se placèrent devant moi, leurs visages impassibles, comme des statues vivantes, renforçant la sensation de menace sourde qui émanait d'eux. Mon cœur s'accéléra légèrement, mais je ne laissai rien paraître. Le plus grand d'entre eux, un homme brun aux yeux perçants, s'avança avec un sourire poli, tendant la main.

— Madame Miller, dit-il en s'empressant de me saluer. Je m'appelle Woods, je suis un associé de l'entreprise.

— Enchantée, monsieur Woods, répondis-je, forçant un sourire chaleureux, masquant soigneusement mon agacement. Je ne m'attendais pas à recevoir de la visite aujourd'hui. C'est... une surprise.

Intérieurement, je bouillais. Avec mes parents, il n'aurait jamais osé se présenter ainsi sans prévenir. Sa présence ici trahissait un mépris flagrant pour ma légitimité. Ce regard hautain qu'il tentait de dissimuler derrière son sourire était une insulte.

— Mes collègues et moi, continua-t-il en désignant les autres hommes, avions commencé un projet avec vos parents, mais nous ne l'avons toujours pas terminé. Dès que nous avons appris que vous les aviez remplacés, nous avons jugé nécessaire de venir immédiatement pour reprendre là où nous nous étions arrêtés.

Avec un calme feint, je me servis du thé sur le plateau, un geste apparemment anodin, mais qui me donnait un semblant de contrôle. Le parfum doux et apaisant de la vanille s'éleva autour de moi, un contraste parfait avec l'ambiance tendue de la pièce.

— Je vois. Malheureusement, je ne vais pas pouvoir vous recevoir aujourd'hui, dis-je tranquillement en portant la tasse à mes lèvres, savourant le moment de solitude que m'offrait cette chaleur.

Le silence qui suivit était lourd de sous-entendus, chaque homme dans la pièce m'évaluant, pesant mes mots comme s'ils cherchaient à découvrir une faiblesse. Mais je n'en montrerais aucune. Dans ce jeu de pouvoir, je devais être plus forte qu'eux.

LIÉE À LUI MALGRÉ MOI [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant