25 : Nuit blanche

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ANASTASIA -

Les jours suivants se déroulèrent dans une étrange quiétude, comme un calme trompeur avant la tempête. Jennifer semblait s'être adoucie, ou du moins, elle en donnait l'illusion. Nous travaillions désormais côte à côte, prisonniers d'une routine presque harmonieuse, où les tensions étaient enfouies sous des sourires feints. La fusion de nos entreprises avait été rapide, presque chirurgicale. Désormais, nous étions trois dans ce bureau, un espace qui suintait le luxe et l'efficacité, mais où l'air devenait parfois suffocant, chargé de non-dits.

Ezekiel, quant à lui, agissait bizarrement depuis plusieurs jours. Depuis ce rêve... Je le revois encore, si clair, si troublant. J'étais assise sur lui, au salon. Nos lèvres se cherchaient, une tension sexuelle électrique flottait entre nous. Son sourire sournois, provocateur, m'avait fait frémir. Puis, soudain, j'avais sombré dans le sommeil, emportée par une ivresse étrange. Le lendemain matin, je m'étais réveillée dans ma chambre, les bouteilles vides sur la table, le goût amer de l'alcool encore sur mes lèvres.

Avais-je vraiment rêvé ? Ou était-ce autre chose ? Ce baiser lors du dîner... Était-il possible qu'il m'ait plu plus que je ne voulais l'admettre ?

Ce matin-là, tandis que je sirotais un café dans notre nouveau bureau – une pièce conçue spécialement pour nous, symbole de notre partenariat forcé – il fit irruption avec son habituelle désinvolture. Vêtu de manière décontractée, une cigarette coincée entre ses lèvres, il paraissait étrangement tranquille, presque trop serein pour la situation. Il déposa une pile imposante de documents sur mon bureau avec un sourire narquois, ses yeux brillants d'une malice irritante.

Le bureau, spacieux et élégant, respirait une sorte de froideur calculée. Les meubles modernes aux lignes épurées s'harmonisaient avec des touches opulentes : des étagères en bois sombre croulant sous des livres reliés en cuir, des tableaux abstraits explosant de couleurs vives, contrastant avec l'austérité ambiante. De grandes fenêtres panoramiques laissaient entrevoir les jardins impeccablement entretenus, un cadre de sérénité faussement apaisante, alors que la tension palpable entre nous grimpait, telle une marée prête à tout engloutir.

— Tiens, j'espère que tu crèveras sous le poids de ces documents, lança-t-il avec un sourire carnassier, sa voix mielleuse trahissant son amusement.

Je levai les yeux vers lui, le regard aussi glacial qu'un vent d'hiver, un sourire tout aussi acéré se dessinant sur mes lèvres.

— Et moi, j'espère que tu t'étoufferas avec cette cigarette, répliquai-je sèchement, le défi dansant dans mes yeux.

Il ne répondit pas, s'installant avec une nonchalance exaspérante sur le canapé en face de moi. Le cuir noir sous son corps se pliait à sa silhouette comme s'il lui appartenait, alors qu'il sortait quelques dossiers, enfilant lentement une paire de lunettes. Cette touche intellectuelle, ajoutée à son air décontracté, ne faisait qu'aggraver ma frustration. Le contraste entre lui et la table basse en marbre blanc rendait la scène encore plus sophistiquée et... tendue.

Le silence était presque tangible, lourd de tout ce que nous ne disions pas. Mais soudain, sa voix brisa l'atmosphère, coupant le silence comme une lame affûtée.

— Anastasia, m'interpella-t-il avec un calme froid. Tu me rendrais un immense service si tu évitais de marcher en dormant la nuit. Tu m'empêches de dormir.

Je clignai des yeux, abasourdie par ses paroles.

— Quoi ?

Il haussa les sourcils, comme si ma réaction l'amusait encore plus.

— La prochaine fois, je t'attache au lit et je t'enferme dans ta chambre à double serrure, dit-il, la voix glaciale.

Le choc de sa déclaration me laissa sans voix. Depuis quand est-ce que je marchais en dormant ? C'était absurde... mais pourquoi avais-je l'impression que quelque chose m'échappait ?

LIÉE À LUI MALGRÉ MOI [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant