LIÉE À LUI MALGRÉ MOI [TOME 1]

29 : Somnambule

Le silence qui suivit ses paroles s'étira comme un voile oppressant, dense et presque palpable, enserrant la pièce dans une étreinte glaciale. Ses mots, cinglants comme des coups de fouet, avaient laissé une trace vive dans l'air, un écho qui refusait de mourir. La vérité qu'il venait de cracher avait une honnêteté brutale, une lucidité cruelle que je ne pouvais nier.

Oui, Ezekiel avait raison. J'étais fichue depuis le jour de ma naissance.

Un frisson traversa ma colonne vertébrale, glacé et insidieux, mais je me forçai à rester impassible. Je refusais de lui montrer la moindre faiblesse, malgré le tumulte qui bouillonnait en moi. Mes pensées tournaient en boucle, les questions se multipliant dans un murmure sourd.

Pourquoi avais-je tant voulu exister ? Pourquoi ce besoin désespéré de prouver ma valeur dans un monde qui ne m'offrait que mépris et indifférence ?

Ezekiel se leva lentement, comme un prédateur qui s'étire avant de fondre sur sa proie. Ses mouvements étaient mesurés, calculés, chacun d'eux portant une menace implicite. Son regard restait fixé sur moi, perçant, impassible, mais une étincelle nouvelle dansait dans ses yeux, une curiosité froide, presque analytique. Il me regardait comme s'il découvrait un secret longtemps caché.

— Qu'est-ce que tu veux encore ? murmurai-je, la voix basse, rauque, à peine audible.

Le silence qui suivit semblait s'étendre à l'infini, alourdissant l'atmosphère de son poids étouffant. Même le vent à l'extérieur, d'ordinaire si présent avec ses murmures au travers des arbres, s'était tu, comme si la nature elle-même retenait son souffle.

Un sourire apparut sur ses lèvres, lent, calculé, cruel. Il recula de quelques pas, ses gestes maîtrisés, ses yeux ne me lâchant pas. Il me jaugeait, comme un chasseur scrute sa proie avant de porter le coup fatal.

— Je vais te dire la vérité, Anastasia, dit-il en plantant son regard dans le mien. Tu es vraiment très belle.

Mon cœur bondit dans ma poitrine, battant à tout rompre. L'espace d'un instant, le sol sembla se dérober sous mes pieds. Est-ce possible ? Avait-il finalement avoué quelque chose qu'il avait toujours caché ? Non... ce n'était pas le Ezekiel que je connaissais.

— Cependant, continua-t-il, sa voix se glaçant à nouveau, ta présence me donne toujours envie de vomir, Anastasia Miller.

Le contraste brutal de ses mots frappa comme un coup de poignard. C'était sa façon de se protéger, de dresser un mur entre nous, mais cette fois, il était trop tard. La fissure dans son masque de cruauté était trop visible. Il avait laissé entrevoir quelque chose de plus, quelque chose de vulnérable, et ses insultes n'avaient plus le même poids.

Je laissai un sourire, léger, presque amusé, flotter sur mes lèvres.

— Pourquoi sortir les crocs maintenant, mon amour ? dis-je avec une pointe de provocation dans la voix, mes yeux le défiant. Ton avis n'a plus aucune importance. Un homme comme toi... Je marquai une pause, savourant l'instant. Ne mérite rien de moi. Je ne perdrai même pas mon temps à essayer de te séduire.

Je sentais que j'avais touché juste. Ses mâchoires se serrèrent imperceptiblement. Ses yeux se plissèrent légèrement, et pour la première fois depuis longtemps, je vis un doute naître dans son regard. Ce n'était qu'un instant, une lueur infime, mais elle était là.

— Oh, vraiment ? murmura-t-il en esquissant un sourire cruel, un rictus qui tentait de masquer ce qu'il ne voulait pas admettre.

Je m'approchai de lui lentement, mes pas résonnant faiblement sur le sol, le silence devenant de plus en plus oppressant. Ma main se leva doucement, mes doigts glissant sur sa joue avec une tendresse presque irréelle, contrastant avec la tension palpable entre nous. Il resta immobile, mais ses yeux... Ses yeux brûlaient d'une intensité que ses paroles ne parvenaient plus à masquer.