LIÉE À LUI MALGRÉ MOI [TOME 1]

42 : Sauvetage

ANASTASIA -

Les jours suivants, Ezekiel était devenu un mystère insondable, un calme pesant entourant chacune de ses apparitions. Là où il se montrait autrefois vif, impitoyable et enflammé, il semblait désormais éteint, comme absorbé dans des pensées lointaines. Son regard, habituellement perçant, d'une intensité presque écrasante, avait perdu de sa flamme pour devenir flou, distant. Et moi, je me retrouvais piégée, déconcertée par ce changement inexplicable. Une part de moi se demandait si ce n'était pas ce que j'avais toujours espéré : un Ezekiel vulnérable, humain, plus proche de ce que je pourrais peut-être aimer.

Ce soir-là, l'air dans la maison me semblait étouffant, chaque respiration plus lourde que la précédente. Les murs paraissaient se refermer sur moi, alimentant une angoisse qui montait à mesure que les souvenirs enfouis de la mort de mes parents refaisaient surface. Les images de cette nuit terrible, les cris étouffés, les silhouettes indistinctes... Tout revenait avec une vivacité douloureuse. Mon corps se raidit, et ma gorge se noua. Dans un sursaut, je fuis vers l'extérieur, comme si seule la fraîcheur de la nuit pouvait apaiser ce tumulte intérieur.

La piscine, sous la lumière de la lune, miroitait d'un éclat apaisant. L'eau semblait m'appeler, promettant un moment de répit, une échappatoire au chaos de mes pensées. Je m'approchai, espérant que la tranquillité de l'eau puisse étouffer mes tourments. Mais plus je m'avançais, plus mon cœur s'emballait, battant à un rythme effréné. Soudain, sans comprendre comment, je perdis pied et basculai dans l'eau.

Le froid me heurta de plein fouet, me coupant le souffle. Mes pensées, déjà en désordre, éclatèrent comme une nuée d'éclats de verre tandis que mes membres, lourds, s'agitaient en vain. Je me sentis piégée, enchaînée dans ce cauchemar liquide, revivant chaque cri, chaque perte. L'eau m'aspirait vers le fond, mon esprit sombrant dans l'obscurité... puis le noir total.

Lorsque j'ouvris les yeux, c'est la chaleur douce des draps qui me frappa en premier. Le contraste était saisissant. J'étais au sec, enveloppée d'une couverture moelleuse, loin du froid glacial de l'eau. Je respirais, bien que chaque muscle de mon corps soit encore crispé. J'étais en sécurité, mais l'étrange sensation de malaise demeurait.

Un frisson glacé parcourut ma colonne vertébrale tandis qu'une seule question me hantait : qui m'avait ramenée ici ?

Je tournai la tête, et là, près de la baie vitrée, se tenait Ezekiel. Assis sur le canapé, les bras croisés, ses cheveux encore mouillés retombaient de manière désordonnée sur son visage. Dans la pénombre, je devinai la fatigue sur ses traits, comme s'il avait lutté avec lui-même pour rester éveillé. Il semblait dormir, ou peut-être faisait-il semblant, laissant échapper un soupir léger.

Je restai immobile, captivée par cette image inhabituelle. Dépourvu de son masque d'arrogance, Ezekiel était plus beau que jamais, d'une beauté presque vulnérable, terriblement humaine. Cette vision me troublait. Pourquoi, alors que je devrais me concentrer sur tout sauf sur lui, étais-je irrésistiblement attirée par ce détail insignifiant, par la douceur de ce moment où il semblait juste... fatigué ?

Soudain, il bougea, ses paupières s'ouvrant lentement pour croiser mon regard. Je retins ma respiration. Un sourire en coin apparut sur ses lèvres, cette expression familière de sarcasme qui, étrangement, provoquait en moi un mélange d'agacement et de fascination.

— Alors, la petite sirène est enfin réveillée, lança-t-il d'un ton moqueur. Tu n'as jamais été très douée pour nager, hein ?

Une vague d'irritation monta en moi, effaçant toute trace de gratitude que j'aurais pu éprouver.

— Merci pour le sauvetage, Ezekiel, répondis-je sèchement. J'imagine que tu as adoré me tirer de là, juste pour pouvoir te moquer de moi ensuite.

Son rire fut léger, mais quelque chose dans son regard trahissait une émotion que je n'arrivais pas à saisir. Peut-être de la fatigue, ou bien... une pointe de tendresse ?