LIÉE À LUI MALGRÉ MOI [TOME 1]

10 : Du réconfort... dans l'obscurité

Je me replongeai dans mon travail, tentant désespérément d'oublier la scène qui hantait mon esprit. Mais la douleur dans mon ventre se fit de plus en plus intense à mesure que les heures passaient. La faim me tiraillait, et malgré moi, je décidai de manger les pâtisseries posées sur le plateau. Je savais pertinemment que cela ne suffirait pas. Une pensée noire traversa mon esprit : et si elles étaient empoisonnées ? Mais au fond, la perspective d'une fin rapide devenait presque apaisante dans ce tourbillon de souffrance.

Chaque tâche accomplie semblait être une victoire dérisoire contre mon propre corps, qui me trahissait petit à petit. Dans quelques jours, je devais rencontrer mes salariés, et je ne pouvais pas me permettre de paraître faible. Je devais rester impeccable, coûte que coûte, même si je me sentais comme une ombre de moi-même, une marionnette sans fils.

Minuit arriva enfin. J'étais épuisée, mais le travail était enfin terminé. En quittant mon bureau pour prendre une douche bien méritée, je fus surprise de tomber sur Armon, debout devant ma porte, un plateau de nourriture à la main.

— Que fais-tu là ? demandai-je, la fatigue et la méfiance teintant ma voix.

— Tu n'as rien mangé depuis ce matin. Je t'apporte ceci pour que tu puisses reprendre des forces, dit-il calmement, sa voix dépourvue de toute émotion.

Je le scrutai, soupçonneuse, cherchant des signes d'ironie ou de manipulation.

— Est-ce empoisonné ?

Il éclata de rire, un son presque inattendu venant de lui, alors que ses yeux brillaient d'amusement. Sans détourner le regard, il attrapa une fourchette, piqua une bouchée de la nourriture, et but une longue gorgée de l'eau dans le verre qu'il tenait.

— Suis-je mort, Anastasia ? demanda-t-il, un sourire tendre se dessinant sur ses lèvres.

Son geste, à la fois simple et empreint d'une sincérité inattendue, fit céder mes défenses. Des larmes commencèrent à couler, lentes et silencieuses, comme des perles de pluie sur une fenêtre embuée, tandis qu'il posait calmement la fourchette, s'approchant de moi. Doucement, presque prudemment, il m'entoura de son bras contre son torse, tandis que l'autre continuait de tenir le plateau. Son étreinte était rassurante, apaisante, un contraste violent avec la dureté du monde qui m'entourait.

— Ça va aller, murmura-t-il près de mon oreille, sa voix douce et enveloppante. Je sais que tu traverses des moments difficiles, mais tu dois tenir bon. Montre à cet idiot d'Ezekiel et à cette reine des glaces de Jennifer que tu es bien plus forte qu'ils ne le pensent.

Ses mots résonnèrent en moi comme une mélodie familière, mais un doute persistant me rongeait. Je le regardai, cherchant à déceler une quelconque ironie derrière ses paroles.

— Dis-tu cela sincèrement, ou cela te réjouit-il de me voir aussi pathétique ? demandai-je, la voix tremblante, espérant capter un écho de vérité dans ses yeux.

Son regard demeura constant, sans vaciller.
— Je le pense sincèrement, Anastasia. Tu as en toi la force nécessaire. Regarde-toi. Aujourd'hui encore, tu as tenu bon.

Mon cœur se serra à l'entente de ses paroles, et un faible sourire échappa à mes lèvres, une lumière vacillante dans l'obscurité de ma détresse.
— Merci, murmurais-je, la gorge nouée par l'émotion.

Nous nous dirigeâmes vers le salon, un espace vaste et baigné par la lumière douce des lampes. Les canapés en cuir crème et le tapis persan apportaient une chaleur inattendue dans cet environnement souvent hostile, comme un refuge secret au milieu d'un orage. Armon me servit un nouveau repas, m'offrant un verre d'eau avec une attention délicate, et je commençai à manger en silence. Mes larmes s'étaient taries, mais je pouvais sentir son regard peser sur moi, lourd d'une compréhension silencieuse. Ce n'était plus le masque impassible qu'il portait si souvent ; ses yeux, remplis de pitié et de tristesse, racontaient une histoire que je n'avais pas encore entendue, une histoire que je voulais découvrir, mais dont j'avais peur.