L'impromptuité des désirs sexuels en présence de monde, et l'écart radical existant entre la puissance fauve et intime des chaleurs et la retenue distinguée des conversations mondaines, voici ce que j'ai déjà évoqué et traité dans un poème et son article : « En soirée », qui exprime comme la frustration des élégances publiques accroît l'envie de brutalité. Je serai donc court, cette fois ; ce ne sera que pour ajouter une circonstance, que j'ai développée dans cette pièce-ci :
La pulsion sauvage qui peut alors naître, dans un léger retrait des invités, de baiser vite, en silence, efficacement, malgré cette proximité, de se soulager de la compression intérieure et de la tentation en « réglant cette affaire », d'exprimer l'instinct de la possession la plus animale en saisissements rudes et en murmures rauques, puis, l'orgasme mâle advenu (car le femelle ne peut aussi facilement jouir), les sexes trempés, encore gonflés et pulsatiles, rangés promptement dans les braguettes et dans les jupes, s'embrasser amoureusement, repus quoique bâclés, et, la chemise et la robe lissées, revenir au groupe, contents, complices, avec la sensation de mission accomplie, en dépit du coït négligent et piètre mais qui a répondu pleinement à son but. Comme ces sexualités d'alcôve, sans doute, ont pu distraire les amants de leur soif, dans des toilettes ou des réduits, dans des obscurités, des odeurs et des inconforts souvent verticaux ! Cette sorte de défoulements purs appartient aussi au domaine des plaisirs, quand ce n'est ni l'homme ni la femme qui chosifie l'autre, mais que c'est l'urgence mutuelle d'une situation d'envie qui oblige à leur réification. La contrainte impose le sevrage : il faut donc, en secret, aller à la baise avec empressement, et se posséder sans avoir le temps de se distinguer – violence souhaitée pourtant dommage, car on eût aimé avoir l'ordinaire durée des tortures lentes et des couches moelleuses ! Le romantisme fait défaut à ces envolées, ainsi que le soin et les progrès doux, mais combien spontanés sont ces ruts consentis ! Peut-être n'y manque-t-il quand même pas l'amour : l'offre et la demande se répondent si bien, semble-t-il, que les amants, malgré tout cela, se dispensent l'un à l'autre ce que leurs passions désirent.
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