I
Il ferme le vantail de cet appartement
Où elle a attendu : c'est comme un tremblement,
Un sursaut, un vertige, une alarme, un grand drame
Après le long silence, en son souffle de femme ;
C'est comme dans un rôle où elle ne vit pas.
Pâle et bouleversée, elle avance d'un pas,
Engourdie, envahie, alors qu'elle l'observe,
Une tendre ferveur la fascine et l'innerve ;
Elle voudrait pleurer – il est si tard ou tôt ! – ;
Il fixe à la patère un pratique manteau,
Et puisqu'il se découvre, immobile et muette,
Elle espère à l'instant qu'en sa mise fluette,
Elle saura lui plaire autant qu'il la séduit.
Elle aime l'assurance où ce mâle l'enduit,
Sa force noble et simple, et sa voix chaleureuse,
Ses mouvements déliés dont elle est si heureuse,
C'est pourquoi elle aspire – il sourit à présent –
À lui rendre à l'envi son trouble en lui plaisant :
Elle a mis une robe épousant bien ses hanches,
Relevé ses cheveux sur une nuque blanche,
Et sa croupe galbée, et ses seins endurcis
Cachent mal les effets d'un linge plus précis...
Mais il marche vers elle, il est au-dessus d'elle :
II
Elle lève la tête en fixant sa prunelle ;
Sans oser le toucher – un reste de pudeur
Paralyse ses mains, commande sa raideur –,
Elle réapprivoise et se réapproprie
Cet homme qui la tient comme en sa bergerie,
Et contemple si proche un cou si affolant
Qu'elle veut le humer, qu'elle veut, à doigts lents,
Caresser cette forme imposante et docile
De sorte que l'union des phalanges graciles
Et du garrot épais aux rigides tendons
Lui insuffle sa force et, à lui, fasse don
D'un peu de sa langueur pour qu'elle se rassure.
Mais l'Ogre l'attendrit – intention très impure ! –
En ne l'embrassant pas comme elle l'espérait,
Et le bras sous son dos, le visage tout près,
Il la laisse, imprégnée en sa mine votive,
D'un baiser désiré prendre l'initiative.
Ce moment l'exaspère, elle trouve l'amant
Si empli de respect presque outrageusement
Que pour dissimuler une énième seconde
Et conjurer l'ennui, sa hardiesse débonde :
III
