Quelle splendide vitalité, réjouissante, tant humaine – un tel comble ! – se situe dans la défoulante frénésie d'exacerbation des plaisirs sexuels, notamment chez la femme imprégnée d'un état second ! Au fond, il n'est peut-être qu'une raison psychologique qui fait mon goût de la pornographie et possiblement du sexe entier, c'est de voir une femme, d'ordinaire mitigée et douce, devenue tant désinhibée, hors de contrôle, pâmée en poses luxurieuses où les sensations sont si chères qu'elle les exprime par des expressions aussi spontanées et explicites que celles de la douleur ! C'est l'emballement égoïste d'appels physiologiques qui réclament de nouveaux et meilleurs paroxysmes ! C'est l'aspiration au franchissement perpétuel de bienfaits physiques dont elle exulte ! C'est l'oubli de toute affaire sociale au profit de l'étroit bonheur à concentrer et à échafauder l'éprouvé en apothéose sensorielle ! Ainsi, quelquefois la femme « viole » aussi – mais j'entends par là qu'elle néglige la satisfaction de son partenaire à l'avantage exclusif de la sienne – quand elle se plante fort sur une queue, enfoncée loin, qu'elle trouve assez soudain et presque par surprise la position où ce pieu suscite en elle un effet inédit qu'elle veut prolonger et intensifier, qu'elle branle son corps sur cet objet de délices, qu'elle s'y énerve et empale et agite avec une rage où la recherche de l'orgasme est toujours un peu gênée par la nature externe de sa stimulation, et qui est bientôt comme une folie effrénée à cause de l'essoufflement et des peines musculaires qu'elle provoque, et que, focalisée sur elle seule et les contacts de son sexe empli, elle n'a plus d'attention et d'intérêt qu'à suivre la pointe qui l'innerve et l'impressionne, jusqu'à l'aboutissement peut-être, hoquet d'accession ou de renoncement, où, après la retombée en épuisement exhalé, elle pourra se sentir honteuse de ce qu'elle fut, de cette fougue, de cette incorrection, de cette purgation durable et demi-consciente, de sa cavale échevelée sur une bite qui aurait pu être celle de n'importe quel mâle, et retombera sur l'amant avec quelque sentiment qu'elle devrait peut-être, à présent que sa mémoire et le calme de la chambre la rappellent à sa démesure, lui demander des excuses pour l'avoir longtemps chosifié.
Ce retour à la réalité convenable, cette décompression, cet assagissement un peu effaré, est, je trouve, un sujet non de moquerie idiote mais d'amusement tendre pour l'homme, aussi bien, je pense, que la femme peut s'amuser avec tendresse de la manière frénétique et transie avec laquelle il a exprimé son désir-plaisir, peu après qu'il a joui. L'écart d'une nette indécence à la sorte de repentance qui s'ensuit – où pourtant il n'est rien à excuser – induit, je trouve, une sympathie profonde : c'est qu'on sent la disposition d'un être, qu'on a volontiers fait jouir, à vouloir garder le contrôle de son altruisme social – elle est créature tantôt de politesses et tantôt de plaisirs. Une douceur naît de cet aperçu : elle s'est abandonnée à sa volonté d'orgasme, et à présent elle regrette d'avoir été autre et de l'avoir ignoré ? Or, c'est aussi celle-ci, l'autre, qu'il a désiré obtenir, et il avoue qu'il l'a bien cherchée ! Le repos fatigué où elle redevient une dame et un esprit recèle alors un trésor, celui de la conversion d'une adorable salope en une vierge magnifique, en sorte qu'on en tire l'impression d'avoir au lit non une personne duelle et instable mais... deux femmes dont les pôles se complètent, aussi touchants et adorables l'un que l'autre.
C'est pourquoi il faut frustrer tôt ce goût après-rut de l'expiation, ou elle risquerait de devenir trop unie. Il s'agit de ne pas conserver par rapport à elle une position d'innocence dont elle se trouverait davantage coupable ou humiliée : rien que lui donner l'absolution reviendrait à concéder qu'elle fût inférieure ou déplacée – ne pas induire cette idée, notamment si l'on tient à reproduire la situation de frénésie sans scrupule qu'on a d'elle tant aimée. Ainsi, je propose, après ce débordement dépossédant, non de signifier surtout une moindre manière de choc au souvenir de sa vue, mais au contraire d'indiquer qu'elle ne s'en repente point en y répondant d'une frénésie réciproque et réifiante qui sera l'équivalent de ce qu'on a endurée et comme le paiement immédiat de cette suractivité dont il n'y aura ainsi plus rien à réclamer. Par exemple, dès qu'elle s'est couchée sur le torse masculin, échauffée, épuisée, exaucée, n'en pouvant plus et tentée d'exprimer le pardon de son égoïsme, lui saisir le cul de deux mains rudes, la bloquer ainsi comme une boîte, et, frénétiquement la piner en grande vitesse tandis qu'elle n'a pas même l'énergie de se redresser pour améliorer l'angle de la queue et s'en conforter, et, comme elle, dédaigner ses avis et l'utiliser comme réceptacle de jouissance égoïste, et la faire geindre, et admirer ses chairs heurtées et choquées, de façon à, sans demander de permission, soi-aussi ne se soumettre à nul pardon et dissuader réciproquement qu'il soit tenté de présenter des excuses. On rencontrera peut-être parfois, après cela, que la femme juge l'amant égoïste de l'avoir prise avec tant de soudaineté brutale tandis qu'elle se remettait tout juste de son plaisir, et l'on pensera qu'il est dommage qu'il n'ait pas tiré parti de la supériorité morale où le trouvait le souhait qu'elle avait de lui octroyer des faveurs en raison du « préjudice » qu'elle pensait lui avoir fait subir, cependant je ne sais si l'on aura – si elle aura – l'intelligence de s'apercevoir que cet acte viril fut initié non tant par vengeance que par la volonté d'une absolue déculpabilisation d'elle : elle a extirpé sa jouissance de lui, il a donc extirpé la sienne d'elle de manière identique, ainsi personne n'a, à l'heure où la sexualité s'achève, une dette envers l'autre : situation idéale où la réitération du sexe peut advenir sans qu'aucun ne se sente tenu ou forcé à des soumissions. La générosité, en ce cas, vient de l'opportunité à saisir sans tarder l'occasion où la dette se forme, et à l'annuler aussitôt en actions par imitation de ce que l'autre peut juger vous avoir pris – particulièrement le vol de la pudeur et du consentement. C'est grandiose ainsi : l'homme baise brutalement et pleinement, et il sait que c'est autant pour se faire plaisir que pour contribuer au plaisir mental d'une femme qui, dès après, ne se reprochera rien et recommencera avec toujours plus d'envie !