Saguenay, Province de Québec
Assise sur la banquette de ma chambre, la tête contre la fenêtre, je remue énergiquement le chocolat dans ma tasse. Dehors, seuls les lampadaires apportent une once de clarté à la rue. C'est une nuit sans étoiles et sans lune, une nuit noire comme se complaisent à dire certains. Je ne suis pas une grande adoratrice de ce genre de nuit, je trouve cela plus angoissant qu'autre chose.
Je retourne ma tête vers le lit après avoir bu une gorgée de chocolat chaud, je soupire de désespoir. Mon lit semble vide et je ne parle même pas du vide dans l'appartement. Il me manque. Je l'entends encore rire, s'énerver contre moi car je suis plus désordonnée que lui, mais ce n'est pas difficile puisqu'il était maniaque au possible. Je devine son visage malgré ces trois ans d'absences, ses bouclettes et ses yeux d'un marron intense. Je me rappelle absolument de tout, même de sa voix, j'ai l'impression que je n'oublierai jamais rien de lui. Pourtant, il m'arrive parfois de souhaiter oublier sa voix un peu rauque, son odeur boisé, son visage angélique mais je ne parviens jamais à m'y résoudre. Par conséquent, je vis dans la tristesse et dans le châtiment comme une pénitente qui doit absoudre ses péchés en parcourant un chemin devant tout le monde.
Ma meilleure amie m'a bien supplié de vendre l'appartement et de partir vivre ailleurs pour commencer quelque chose de nouveau mais j'ai vite évincé cette solution qui me parait trop facile et évidente pour que cela fonctionne, je sais qu'il sera là peu importe où je suis. Il est inscrit dans ma chair comme l'encre sur du papier. Ici, à Saguenay, j'ai mon appartement avec tous les souvenirs qui vont avec et mon travail. Partir ? Pour devenir quoi et faire quoi après ? Au moins en restant là, je garde une certaine stabilité et un certain équilibre émotionnel.
Je bois une nouvelle gorgée de chocolat avant de serrer mes mains autour de la tasse afin de me les réchauffer. L'Hiver est relativement rude cette année, je dirais même glacial tel que mon lit depuis trois ans. C'est pour cette raison que je suis en train de boire une boisson chaude à quatre heures du matin, car la froideur de mon lit m'a réveillé.
Je consulte mon portable, aucun message. Il n'y a rien d'étonnant à part moi, tout le monde dort à cette heure-là. Il m'arrive parfois de me rendre sur son profil Facebook, juste pour me souvenir. Il est évident que ça me fait plus de mal que de bien, les dernières publications remontent à trois ans. Sa photo de profil nous affiche tous les deux souriants et heureux, cette époque me manque. Régulièrement, je me demande à quoi cela me sert de me faire souffrir autant mais je n'ai jamais trouvé la réponse. Ma meilleure amie, Joy s'énerve continuellement à me voir me complaire dans la tristesse et la douleur. Elle dit régulièrement que je vais finir en martyr, ça me fait rire de temps en temps mais la plupart du temps ça me fait pleurer.
Je finis ma tasse de chocolat et pars dans la cuisine afin de la mettre dans l'évier. Je suis devenue plus maniaque que Matthew, il serait littéralement sidéré s'il me voyait. Je me remets au lit en calant ma tête contre les deux oreillers, je caresse machinalement la place froide à côté de moi avant de pousser un profond et long soupir. Je finis par me relever et tourne en rond dans mon appartement jusqu'au lever du soleil. Je vais avoir une mine affreuse en allant travailler ce matin.
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L'iris bleu
RomanceDepuis la mort de son compagnon, trois ans auparavant, Meï Sullivan ne se sent plus tout à fait la même. Tout est devenu plus difficile et compliqué. Ses relations avec la gente masculine sont au point mort et ceci semble lui convenir au grand dam d...
