Point de vue Meï
Tout en essayant de faire attention aux propos de ma bande d'amis, je tente de comprendre ce qui m'est passé par la tête pour me jeter de la sorte dans les bras d'Abrían. D'où me vient cette spontanéité que je ne me connaissais pas ?
Jamais au grand jamais, je ne me serais amusée à avoir un tel comportement déplacé avant. Ça doit être la fatigue, je ne vois que ça.
Je rêvasse tellement que je ne me suis pas aperçue que je détaillais un peu trop du regard Abrían. Il arbore un léger rictus avant de boire une gorgée dans sa bouteille de bière. Gênée, je détourne le regard. La fatigue me fait faire vraiment n'importe quoi.
« Meï, tu es avec nous ou tu es ailleurs ?, demanda June.
— Au moins une chose qui n'a pas changé », plaisanta Abrían.
Je leur souris avant d'acquiescer. Je ne peux que donner raison à Abrían, je suis vraiment dans la lune.
« Je suis désolé... Ça doit être le décalage horaire et la fatigue.
— Certainement !
— Je vais aller dehors, ça va me réveiller de ma léthargie ! »
Sur ces mots, je me lève du fauteuil et contourne la table basse pour me rendre sur le perron de son appartement-maison. A l'extérieur, l'air est des plus agréable même si le soleil est couché depuis déjà quelques heures. Je respire un bon coup et me frotte les yeux négligemment. Mes yeux se concentre sur la nuit étoilée tandis que mon cerveau semble être parti je ne sais où. Le bruit de la porte d'entrée me fait sursauter et retourner vivement.
« Va savoir pourquoi mais je me doutais que ça allait être toi !
— On ne change pas une équipe qui gagne ! Je croyais que tu le savais ! »
Abrían se positionne à côté de moi. Je suis étonnée de ne pas le voir sortir sa cigarette. Aurait-il enfin fini avec cette merde ?
« C'est vrai mais avant tu avais déjà la cigarette à la bouche !
— Oui mais j'ai un peu ralenti ma consommation, me sourit-il.
— Tu as rencontré une Stacey ? », plaisantai-je.
Il éclate de rire avant de reprendre son sérieux. Il hoche négativement la tête.
« Ça m'avait manqué...
— De quoi ?
— Toi, moi et nos discussions dehors ! »
Devant sa déclaration, je pique involontairement un fard. Heureusement qu'il ne peut pas le voir.
« Disons que ça change de nos conversations sur Skype avec un décalage horaire de douze heures...
— C'est sûr ! La Chine ne te manque pas trop ?
— Honnêtement... oui. Pas que je n'aime pas être avec vous tous, je suis ravie d'être là...
— Mais les enfants et ta manière de vivre là-bas te manque », compléta-t-il.
J'acquiesce avant de l'entendre soupirer. Les enfants me manquent énormément tout comme Chan, Sara et Willy. Les plats chinois aussi.
« Du coup, tu ne comptes pas revenir après ta mission ?
— Je ne sais pas Abrían ! Il n'y a rien qui me retient ici !
— Oui j'imagine bien », me dit-il froidement.
Je le regarde un brin étonné par le ton qu'il vient d'employer. J'ai certainement dû louper un épisode, un énorme même. Un silence de mort se produit entre nous, me laissant dans l'incompréhension. Je le vois sortir une cigarette et commencer à fumer. Aucun regard vers moi, aucune parole. Je pourrais croire qu'il est fâché contre moi.
« J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?
— Non rien de tout ça. C'est juste que je n'ai rien à ajouter à ce que tu viens de me dire.
— Ah d'accord j'ai eu peur !
— Pourquoi tu aurais dit quelque chose de maladroit ? Depuis que l'on se connaît, tu as toujours pu tout me dire. Pourquoi cela changerait maintenant ?
— Bah justement c'est pour ça que je t'en parle. Je sais que tu vas me comprendre et que tu...
— Et que j'irais dans ton sens », me coupa Abrían.
Il me dévisage alors que j'arbore un petit sourire.
« Tu es un peu mon allié depuis le début, lui avouai-je.
— Pourquoi ? Parce que je t'ai laissé parler de Matthew sans broncher contrairement aux autres ?, dit-il sèchement.
— Oui mais pas que ! Matthew ou pas, j'ai toujours pu compter sur toi et sur ta tolérance...
— Non tu me considères comme ton allié parce que je vais constamment dans ton sens et je te trouve toujours de bonnes excuses ! », s'agaça Abrían.
Je ne comprends pas pourquoi, pourquoi il est comme ça ? J'ai rien dit de mal et j'ai rien fait non plus pour mériter une telle réaction de sa part.
« Tu es injuste Abrían ! Tu sais très bien que c'est faux !
— Vraiment ?
— Oui vraiment ! », m'emportai-je.
Il me toise un long moment avant de contempler les étoiles.
« Tu sais ce qu'on dit Meï... On sait ce que l'on perd mais on ne sait pas ce que l'on gagne ! »
Il me regarde de nouveau alors que je lui lance un regard perplexe. Pourquoi il me dit ça ? En rapport avec la Chine ?
« Tu crois vraiment que l'on va tous continuer à se parler et à faire des Skype ? Sans être pessimiste ou fataliste, à un moment donné, tout le monde aura sa vie et on s'oubliera ! Tu auras ta vie en Chine et nous notre vie ici !
— Je dois comprendre quoi ? Que si je reste là-bas, on se perdra ?
— Non mais c'est une éventualité. Tu veux avoir le beurre et l'argent du beurre. Tu voudrais nous avoir près de toi, mais en même temps être ailleurs.
— N'importe quoi ! Je sais que c'est impossible de toute manière ! Puis depuis quand tu es un donneur de leçon ?
— Ah mais ne t'inquiète pas, je ne te donne pas de leçon ! Je te dis juste que tu auras des choix à faire malgré ce que tu penses. »
Sans rien ajouter, il rentre à l'intérieur, me laissant seule sur le perron. Je ne m'attendais pas à cette réaction venant de sa part, je pensais bêtement qu'il serait content que je sache où je veux être. Et là il me donne l'impression de quelqu'un de blesser et vexer.
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L'iris bleu
RomanceDepuis la mort de son compagnon, trois ans auparavant, Meï Sullivan ne se sent plus tout à fait la même. Tout est devenu plus difficile et compliqué. Ses relations avec la gente masculine sont au point mort et ceci semble lui convenir au grand dam d...
