Le dimanche 22 septembre 2019,
Point de vue Meï
Je ne pensais pas que ces deux derniers mois allaient passer si vite. Ce soir sonne déjà l'heure des adieux avec mes amis, demain je prends l'avion à 21h00 pour arriver mardi à 9h00 en Chine.
« Tu es prêtes ? », me demanda Daniela.
J'avais rendu mon appartement il y a de cela trois jours et ça a été une vraie épreuve pour moi. Chaque pas que je fais m'éloigne de plus en plus de ma vie avec Matthew et chaque pas m'emmène vers un inconnu que j'appréhende de temps à autre. Je ne sais pas où je vais et pourtant je sais que j'y vais.
Encore dans la salle de bain, j'attache mes cheveux en un vulgaire chignon avant de sortir devant les yeux impatients de ma meilleure amie. J'habite chez elle depuis une semaine et la cohabitation se passe plutôt bien.
« Oui on peut y aller ! », lui souris-je.
Elle acquiesce en essayant de sourire mais elle est maussade. Mon départ ne l'enchante pas et elle me l'a fait clairement comprendre le jour où je lui ai annoncé que j'allais partir deux ans en Chine et que durant ce lapse de temps je ne reviendrais pas au Québec.
On avait décidé de passer notre dernière soirée tous ensemble au restaurant autour d'un bon repas à se raconter les derniers potins. Je n'ai pas besoin d'être à la fin de la soirée pour dire que je n'oublierais pas ce repas et que j'y repenserais quand je serais en Chine.
Nous sortons de l'appartement et déambulons dans les rues de Saguenay avant d'atterrir devant le restaurant où tout le monde est censé s'attendre devant. Je suis gagnée par la tristesse, je prends en pleine tête le fait que ça va être la dernière fois que je les verrais avant un long moment. Est-ce que j'ai raison de partir aussi loin ? Est-ce que je ne suis pas en train de faire une bêtise ?
« On attendait plus que vous deux ! », s'exclama Andrew.
Il serre dans ses bras Daniela avant de l'embrasser tendrement. Je n'ai jamais vu autant d'amour qu'entre ces deux-là.
« Je veux être ta demoiselle d'honneur lors de ton mariage », plaisantai-je à l'adresse de Daniela.
J'embrasse Stacey et June avant de donner l'accolade à Abrían.
« Meï on y réfléchira quand ça sera le moment. Il n'est déjà pas capable de m'offrir des fleurs alors me demander en mariage, répondit taquine Daniela.
— Je pourrais te surprendre », rit Andrew.
Nous éclatons tous de rire tandis que Stacey porte un regard interrogateur à Abrían qui hausse simplement les épaules. June lève les yeux au ciel avant de me sourire, je réprime mon rictus afin de ne pas échauffer les esprits.
« Te plains pas toi au moins il t'a demandé d'habiter avec toi après bientôt deux ans de relation. Moi j'attends toujours au bout de trois ans », soupira Stacey.
Je réprime mon fou rire quand je vois Abrían lever les yeux au ciel devant les reproches de Stacey. Je crois qu'il a tellement l'habitude qu'il ne réplique plus rien. Il n'a peut-être pas tort, ça rajouterait de l'huile sur le feu.
« C'est vrai ? Non ?
— S'il n'a pas envie c'est qu'il doit avoir ses raisons ! C'est pas en le forçant que tu obtiendras quelque chose ! », s'agaça June alors que tout le monde entre à l'intérieur.
June a raison, elle lui prends trop la tête pour vivre à deux. Elle devrait plutôt laisser le temps faire les choses, elle va juste réussir à le braquer. J'ai du attendre quatre ans avant d'emménager avec Matthew alors elle est dans les normes, si je peux m'exprimer ainsi.
Cigarette à la bouche, je porte mon attention sur Abrían qui semble se retenir d'exploser. Je détourne mon regard vers June et Stacey, cette première embarque cette dernière dans le restaurant, me laissant seule avec Abrían.
« Ça va ?, lui demandai-je inquiète.
— Oui ! J'ai juste envie de me la faire parfois...
— Que tu veuilles te la faire parfois c'est normal c'est ta copine, ris-je.
— Pas dans ce sens là malheureusement ! Enfin ce sont mes problèmes pas les tiens »
Je reste silencieuse tout en le regardant fumer sa cigarette. Je m'adosse à la barrière alors qu'il est en face de moi.
« Tu as raison ce sont tes problèmes mais tu es mon ami aussi...
— Je sais mais je n'ai pas envie de parler de Stacey avec toi ! Sans doute parce que Stacey voit le mal partout dès que ça te concerne.
— Tu sais j'étais pareil qu'elle à une époque avec Matthew, lui avouai-je. Je voyais le mal partout, je pensais que toutes les filles allaient me le prendre et que j'allais le perdre facilement.
— Tu étais jalouse à ce point ?
— Je ne crois pas que j'étais jalouse mais plutôt très possessive. Je le voyais comme ma propriété, je l'avais tellement dans la peau que ça devenait du grand n'importe quoi !
— Et comment tu as changé ?
— Il m'a dit qu'il voulait emménager avec moi et que j'étais la seule fille qui comptait réellement pour lui. Après le fait de vivre avec lui, je suis devenue sereine et je n'ai plus jamais été casse bonbon avec lui.
— Il devait aimer beaucoup pour accepter autant de choses Si néfastes...
— Comme toi avec Stacey », lui soulignai-je.
Il acquiesce sans rien ajouter. Je suis un peu surprise qu'il ne me réponde pas quelque chose qui signifierait que j'ai raison.
« Stacey est quelqu'un de gentil Abrían, peut-être que tu ne sais plus trop comment t'y prendre avec elle.
— J'en ai juste marre de ses crises de petites adolescentes de 15 ans...
— Ça va lui passer...
— Ouais quand j'aurais cédé à son caprice de « je veux vivre avec toi » !
— Peut-être pas... Si elle est aussi jalouse de moi peut-être que le fait que je parte la soulagera d'un poids... »
Il fronce des sourcils alors que je lui souris. Je sais qu'il a des problèmes avec elle depuis qu'il me vient en aide, et c'est vraiment gentil de sa part d'avoir quand même tenu parole sans prêter attention à la jalousie de sa copine. Maintenant je crois que c'est à moi de faire quelque chose pour lui.
« Tu m'as bien dit que tu l'aimais beaucoup, non ?
— Bien évidemment !
— Alors pourquoi tu as peur de t'installer avec elle ? Quand on aime vraiment quelqu'un c'est l'une des première choses que l'on veut faire avec l'autre. Du moins c'est ce que je pense.
— Vivre avec elle, j'aurais l'impression d'être condamné à perpétuité sans avoir le droit à une promenade dehors de temps en temps.
— Alors pourquoi rester avec elle si tu te sen aussi prisonnier ?
— Parce que je suis amoureux d'elle et que je ne me vois pas sans elle même si elle a le don de m'énerver et qu'elle me fait des scènes pour un rien comme une gamine de 15 ans ! », s'exclama Abrían.
Il écrase son mégot sur le trottoir. June finit par nous rejoindre pour nous avertir qu'ils nous attendaient. Elle repart tandis que l'on se regarde avec Abrían un brin nostalgique.
« C'était la dernière fois avant longtemps que l'on se parle pendant que je fume, ça va me manquer ! »
Je lui souris tandis que je suis surprise qu'il me prenne dans ses bras. Je me blottis contre lui puis il finit par se détacher et prends mes deux joues en otage entre ses mains.
« Surtout prends soin de toi », me dit-il en embrassant mon front.
J'acquiesce avant que nous ne prenons tous les deux le chemin du restaurant. Je vais tacher de prendre soin de moi mais je compte le faire en prenant soin de ceux qui en ont besoin.
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L'iris bleu
RomanceDepuis la mort de son compagnon, trois ans auparavant, Meï Sullivan ne se sent plus tout à fait la même. Tout est devenu plus difficile et compliqué. Ses relations avec la gente masculine sont au point mort et ceci semble lui convenir au grand dam d...
