Nous sortons toutes les deux de la boutique, moi un peu sur la réserve. J'ai appris avec Stacey qu'elle est capable du pire comme du meilleur. Je regarde les passants de la rue d'en face courir ou marcher selon leur priorité.
« Tu voulais me parler ?
— Disons que vu que je te tiens, je compte en profiter ! »
Elle me sourit alors que je reste un peu confuse. Pourquoi est-elle si gentille tout d'un coup ? Est-ce sa grossesse qui lui fait voir les choses autrement ?
« Je voulais m'excuser. Je sais que je n'ai pas toujours eu un bon comportement vis-à-vis de toi...
— Ce n'est pas forcément à moi que tu as fait du mal ou que tu as déçu !
— Je sais mais c'est avec toi que j'ai été la plus méchante. », souligna-t-elle.
Elle touche son ventre et sourit. Elle vient certainement de sentir son bébé bouger. Je me demande si le père est l'homme qu'elle nous avait présenté au mariage.
« Tu es enceinte de combien ?
— Sept mois ! J'ai hâte d'ailleurs qu'il sorte, plaisanta Stacey.
— C'est un petit garçon ?
— Oui ! »
J'esquisse un petit rictus. Visiblement elle a tout ce qu'elle a toujours voulu avec Abrían sauf que ça n'ait pas lui qu'il le lui a donné.
« J'accepte tes excuses même si je pense que les torts sont partagés. Tu n'as peut-être pas eu un bon comportement avec moi, mais moi je n'ai pas été plus tendre avec toi.
— Je ne comprends pas. C'est moi qui voulait te faire sortir avec un mec juste par jalousie, tout comme c'est moi qui ait fait du chantage à Abrían pour qu'il arrête de te parler...
— Oui tu as raison sur côté-là. D'un autre côté, même si à ce moment-là je ne voulais pas l'admettre, il ne m'a jamais laissé totalement indifférente. J'appréciais chaque moment que je passais avec lui et peut-être que parfois inconsciemment j'ai utilisé mon ex pour me rapprocher de lui. Alors oui nous sommes toutes les deux fautives...
— Certains regards te trahissaient tu sais. Après je ne pouvais pas lutter contre toi, vous sembliez tellement sur la même longueur d'onde que ça en était blessant pour moi. La preuve tu es déjà en ménage avec lui alors que moi au bout de trois ans on ne vivait toujours pas ensemble..., plaisanta Stacey.
— Je n'ai jamais cherché à semer la zizanie entre lui et toi.
— Je me suis très bien débrouillée toute seule... Toi tu as juste été l'excuse pour Abrían de rompre. Je te le dis, je ne faisais pas le poids contre toi.
— Je suis désolé !
— Ne le soit pas. Regarde je suis amoureuse, en couple depuis deux ans et j'attend un petit garçon. Ma vie est comme je l'ai rêvé ! »
Je lui souris devant effectivement autant de joie sur son visage.
« J'aimerais bien savoir quand même comment tu as fait pour le convaincre de vivre avec toi, rit-elle.
— Je n'ai rien fait ! C'est peut-être ce qui va te surprendre le plus. C'est lui qui m'a demandé alors que je cherchais depuis un certain temps un appartement sur Saguenay.
— Tout coule de source avec toi alors non je ne suis pas surprise par ce que tu me dis. »
Je hausse les épaules tout en profitant de la chaleur du soleil pour me réchauffer. Ce mois de juillet n'est pas particulièrement chaud.
« C'est quand le mariage et le bébé ?, plaisanta Stacey.
— Pas tout de suite. On a le temps avant de tels projets, souris-je.
— Ça viendra certainement quand tu t'y attendras le moins. Regarde moi, je ne voulais pas avoir d'enfant tout de suite et pourtant je suis enceinte.
— On prend notre temps ! Tu sais un an et demi de relation ce n'est pas beaucoup !
— Tu as raison après si tu dois te fier au nombre d'années. Tu te marierais après cinq ans de relation et tu tomberais enceinte dans dix ans... Parfois la vie ce n'est pas un calendrier ! »
Elle me sourit affectueusement avant de poser ses bras sur son ventre. Peut-être qu'elle a raison mais je ne me sens pas prête à me marier et encore moins à avoir un enfant. Après quelques secondes de silence, elle s'excuse auprès de moi de devoir partir. J'acquiesce avant qu'elle ne me fasse la bise. L'embrassade de la paix certainement. Je retourne à la boutique sous les yeux curieux de June.
« Elle te voulait quoi ?
— Rien de méchant. On a juste un peu parlé ! On en avait jamais eu l'occasion avant aujourd'hui.
— Je ne m'attendais pas à la voir ici. Cela fait plus d'un an que je ne l'avais pas vu !
— Pour ma part depuis le mariage !
— Oui quand tu as voulu déshabiller Abrían devant nous, rit June.
— Ça fait bientôt deux ans... Vous ne pouvez pas arrêter avec ça. Ce matin Abrían m'en parlait encore !
— De la chemise ou du caleçon ? »
Elle éclate de rire devant mon air renfrogné. Ils ne se lassent jamais de cette anecdote, j'ai l'impression qu'elle va me poursuivre toute ma vie comme un boulet accroché à une cheville. Je pousse un long soupir avant de me remettre à ma tâche.
« Vous partez à quelle heure demain ?
— 19h23... Pour être précise.
— Vous y allez en voiture à Montréal ?
— Oui on part d'ici à 11h00.
— Vous ne serez pas en retard au moins !
— Non on voudrait profiter un peu pour se balader à Montréal ! Je suis pressée d'être à dimanche.
— Pour voir la petite ?
— Elle me manque tellement et elle grandit si vite... Elle parle de mieux en mieux et Willy a commencé à lui apprendre l'anglais. Elle est tellement intelligente aussi.
— Il est toujours là-bas ?
— Oui il est tombé amoureux de l'endroit ou de Chan, j'hésite entre les deux !, plaisantai-je.
— Vous êtes complémentaire. L'un reste pour quelqu'un, l'autre part pour quelqu'un. »
J'acquiesce avant d'annoter sur la feuille d'entretien des plantes, le jour où j'ai mis l'engrais.
« Alors elle n'a toujours pas été adoptée ?
— Non et c'est dommage parce qu'elle mérite vraiment de l'être. Elle est tellement douce, elle a tellement d'amour à revendre que ça me désole de savoir qu'elle va peut-être passer toute son enfance et adolescence dans l'orphelinat.
— Peut-être pas ! Tu sais si elle est comme tu le dis, elle va forcément trouver une nouvelle famille. »
Je remue la tête positivement mais reste un peu septique. Tout le monde sait que les enfants qui ont dépassé l'âge de six ans sont moins intéressants pour les adoptants.
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L'iris bleu
RomanceDepuis la mort de son compagnon, trois ans auparavant, Meï Sullivan ne se sent plus tout à fait la même. Tout est devenu plus difficile et compliqué. Ses relations avec la gente masculine sont au point mort et ceci semble lui convenir au grand dam d...
