Le 6 décembre, à FenghuangPoint de vue Meï
En me réveillant ce matin, tout a un goût de dernière fois. Dernière fois que je m'étire dans ce lit, dernière fois que je me lève ici, dernière fois que je prends ma douche ici, dernière fois que je consulte mes mails ici, dernière fois que je prends mon petit-déjeuner ici, dernière fois que je pars au marché de Fenghuang, dernière fois que je regarde la vue du mont, dernière fois que je déjeune avec eux, dernière fois que je subis les taquineries de Willy et de Chan mais surtout dernière fois que je passe du temps avec les enfants. Je crois que c'est ce qui va le plus me manquer.
« Tu vas nous mettre le bourdon si ça continue. Ce n'est pas un adieu, juste un au revoir Meï !, plaisanta Willy
— J'ai l'impression d'entendre Abrían là...
— Eh bah il a raison !, rencherit Sara. On a Skype et c'est un peu la seule manière que tu as pour rester en contact avec nous et la petite. »
Je pousse un profond soupir de frustration. Shu va terriblement me manquer et le fait qu'elle soit un peu distante avec moi ne fait que l'accentuer. Elle est fâchée et je la comprends mais seulement ce n'est pas contre elle et je ne sais pas comment le lui faire comprendre.
« Tu devrais essayer de lui parler de nouveau...
— J'essaie mais elle ne veut pas que je l'approche », soupirai-je.
Je n'ai pas non plus envie de la forcer. A contrecœur je finis quand même par aller la voir en espérant qu'elle ne me repousse pas une deuxième fois.
« Shu ! », l'interpellai-je.
Elle se retourne vers moi, l'oreille de son doudou dans la bouche. Elle est tellement à croquer cette petite fille que je lui souhaite que du bonheur et de la réussite dans la vie même si je ne sais pas ce qu'un orphelinat va lui apporter si elle ne se trouve pas une famille bientôt.
« Je dois te parler...
— Tu pars aujourd'hui sans moi, je sais... »
Son visage dissimule mal sa tristesse. Je m'approche d'elle et me mets à sa hauteur.
« Je t'aime énormément Shu, vraiment très fort.
— Pourquoi tu pars alors ?
— Imagine que ton doudou soit un amoureux »
Peut-être que si je lui explique de cette manière et en faisant entre guillemets référence à Abrían, elle va mieux comprendre. Elle acquiesce tout en restant silencieuse.
« Tu aimerais toi être séparé de ton doudou même si tu m'aimes fort ? »
Elle secoue négativement la tête. Je lui souris en la prenant dans mes bras.
« Mais un doudou ce n'est pas un amoureux !, rétorqua-t-elle.
— Le doudou c'est mieux que l'amoureux, ça reste silencieux et tu ne te disputes jamais avec, lui souris-je.
— Alors si tu pars c'est à cause de lui ?
— Il ne m'a pas obligé à partir, c'est moi qui l'ait voulu. Je t'aime de tout mon cœur Shu, vraiment et si je pouvais t'emmener avec moi, je le ferais sans hésiter une seule seconde. »
Elle essuie les quelques larmes que j'ai sur la joue.
« Pleure pas Meï ! »
Elle me serre dans ses bras de toutes les forces qu'une petite fille puisse avoir. Elle a tellement d'amour à donner et à revendre cette petite. Je me détache d'elle et enlève l'étole que j'ai autour du cou.
« Tiens Shu c'est pour toi. Comme ça quand tu auras du chagrin ou que je te manquerais tu auras toujours cet étole pour te rappeler que je serais toujours là pour toi même très loin de toi... »
Je la lui noue autour de son cou avant de lui embrasser la joue. Je sens ses bras se nouer autour de mon cou, nichant son nez dans mon cou.
« Je t'aime gros comme l'univers ! », me glissa-t-elle a l'oreille.
Je lui embrasse le cou avant qu'elle ne se détache de moi, les yeux remplis de larmes. Je pose délicatement mes pouces sur ses yeux.
« Sèche tes vilaines larmes ma puce. Moi aussi je t'aime gros comme l'univers. »
Elle acquiesce avant de me tendre son doudou, son seul et unique vrai biens.
« Pour toi, me dit-elle.
— Shu c'est ton doudou...
— Non mon doudou c'est ça maintenant ! », s'exclama-t-elle en montrant mon étole.
Je lui souris et accepte son cadeau même si je me sens coupable de lui prendre son unique bien.
« J'ai ton odeur dessus aussi, me sourit-elle.
— Merci pour ton cadeau alors, je le garderais précieusement avec moi.
— Je veux bien te prêter mais j'espère que c'est pas un méchant... »
Je réprime mon envie de rire. Déjà qu'elle accepte mon départ c'est une bonne chose et ça m'enlève un poids énorme sur le coeur.
« C'est pas un méchant », la rassurai-je.
Elle acquiesce avant de me sourire et de m'embrasser sur la joue de toutes ses forces. Ce petit démon va vraiment me manquer, elle a une telle joie de vivre qu'elle pourrait redonner le sourire à n'importe qui. Nous restons enlacés quelques minutes avant de se détacher à regret. Elle retourne auprès de ses amis tandis que je passe en premier lieu faire un petit coucou à Ai qui dort paisiblement dans son berceau, puis finit par aller dans ma chambre pour prendre mes bagages et vérifier que je n'ai rien oublié.
Dans ma tête, je ne peux m'empêcher de faire un bilan de mes deux ans ici. Deux ans de joie et de bonheur, mais aussi de découverte et de rencontre. La Chine ne sera jamais un lointain souvenir car je compte bien revenir ici de temps en temps. C'est ma deuxième maison et madame Ling a tellement apprécié mon travail qu'elle m'a chaleureusement invité à revenir ici quand je le voudrais.
Les au revoirs se sont fait assez vite afin de ne pas rendre triste trop longtemps les enfants. J'ai eu le droit à mon câlin collectif et à des tas de dessins que j'ai rangé précieusement dans mon sac à main, avec le doudou de Shu à l'intérieur. D'ailleurs en parlant de cette petite coquine, elle s'approche de moi et m'encercle les jambes avant de se détacher.
« Tu n'oublies pas Shu à chaque fois que tu regarderas le ciel, je ferais la même chose de mon côté »
Je caresse ses cheveux et lui embrasse son front. Les larmes aux yeux, elle acquiesce. Je fais un dernier signe de la main avant de monter dans le taxi en direction de l'aéroport.

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L'iris bleu
RomanceDepuis la mort de son compagnon, trois ans auparavant, Meï Sullivan ne se sent plus tout à fait la même. Tout est devenu plus difficile et compliqué. Ses relations avec la gente masculine sont au point mort et ceci semble lui convenir au grand dam d...