Point de vue Meï
Après quelques minutes de marche silencieuses qui me semblent relativement longue, je m'arrête devant lui et lui fait face. D'abord surpris, Abrían finit par me dévisager. Il est ici, mais ailleurs à la fois. Je le sens à son regard un peu perdu et à son silence de mort.
« J'ai dû mal à me dire que tu es devant moi... Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? »
Son ton est un peu rancunier mais je n'y fais pas plus attention que ça. Je hausse les épaules avant de lui sourire. Je ne sais pas pourquoi je ne lui ai rien dit, je n'en avais juste pas envie. Il ne faut pas aller chercher plus loin.
« Le plus important c'est de te le dire ou que je sois devant toi, là ? »
Il se gratte la nuque tout en baissant le regard. Visiblement, la question le prend de cours et le gêne. Je commence à le cerner mais j'imagine que lui aussi arrive à le faire.
« Excuse-moi », finit-il par me dire.
J'acquiesce avant de poser mes mains autour de son cou, l'une de mes mains dans ses cheveux. Il resserre son étreinte et je niche mon nez contre son cou. J'imagine que c'est en étant comme ça que j'ai dû lui dire qu'il sentait bon à la soirée de mariage de nos meilleurs amis.
« Tu m'as vraiment manquer... »
Toujours enlacer dans les bras de l'un et l'autre, il me sourit et m'embrasse la joue. Quand est-ce qu'il va arrêter de m'embrasser la joue ? Ça va finir par devenir frustrant. Je lui tire légèrement les cheveux alors que nos visages sont à peine à quelques centimètres. Il pousse un bruit plaintif.
« J'en ai marre que tu m'embrasses la joue... Je n'ai pas choisi de revenir ici pour ça sinon je serais restée là-bas et j'aurais demandé à Willy de m'en faire ! », grognai-je gentiment.
Il se mord la lèvre, réprimant son envie de rire. Je rêve ou il est en train de jouer avec mes nerfs ?
« Alors ma Pichoncita on perd sa patience ? »
Si je pouvais lui faire un doigt d'honneur sans avoir l'impression de lui manquer de respect, je le ferais. Il me pousse dans mes derniers retranchements comme il a dû le faire avec moi. Seulement contrairement à lui, je suis beaucoup moins patiente et je résiste mal à la tentation quand elle est devant moi.
« Tu vas finir par me frustrer à force de repousser mes avances... »
Il acquiesce avant de m'embrasser dans le cou, faisant par la même occasion frémir ma peau. Puis il finit par m'être fin à notre étreinte.
« C'est tout ? », dis-je déçue
Il me regarde avant d'éclater de rire, même moi je suis surprise par l'intonation de ma voix. Visiblement il n'y a pas que saoule que je suis entreprenante avec lui.
« C'est mieux qu'un bisou sur la joue, non ?
— Oui mais tu veux vraiment user mes nerfs ! Ça pourrait se retourner contre toi un de ces jours, dis-je innocente.
— C'est sûr que toi tu sais être très entreprenante !, rit-il.
— Je suis censée comprendre quoi ?
— Tu m'épates à n'avoir aucun souvenir ! »
Je pousse un long soupir avant qu'il ne mette un bras autour de mon épaule.
« Très douée d'ailleurs pour mettre tout ton poids sur moi et mettre ta main dans mon caleçon... Tout ça en étant très bourrée... Visiblement vouloir enlever ma chemise n'était pas suffisant.»
Je déglutit et m'arrête nette. Je n'ai pas fait ça, je veux bien admettre que je peux être entreprenante mais pas à ce point quand même. Je pâli devant son regard très sérieux. Il ne plaisante pas. C'est décidé, je ne sais plus où me mettre. Je comprends mieux pourquoi il ne voulait rien me dire, c'est ultra gênant.
« Je... Je suis sincèrement désolé... »
Je sens la chaleur monter à mon visage. Il caresse ma joue avant de s'approcher de moi.
« Ce n'est pas grave. »
Il arbore un léger rictus avant de poser ses lèvres sur les miennes. Enroulant mes bras autour de son cou, une main dans ses cheveux, je réponds à son baiser avant qu'il ne se détache de moi.
« Puis ce n'était pas si désagréable que ça... Si on retire le fait que j'ai dû faire preuve d'une grande force mentale pour te repousser »
Il éclate de rire alors que je lui frappe le torse. Quel crétin celui-là ! Il émet un grognement plaintif avant que nous ne prenions définitivement le chemin du restaurant. D'ailleurs je commence à sentir des gargouillis dans mon ventre, il est grand temps que je mange.
« Ça te dit de manger notre Schweinbraten et nos Knödel chinois ?, lui demandai-je.
— Pourquoi pas ! Je ne vais pas jouer le dégonflé !
— Je te promets que ce n'est pas si mauvais que ça !
— Alors ça ce n'est pas rassurant ma Pichoncita », dit-il sérieusement.
Je lui souris avant de hausser les épaules. Ce n'est pas si mauvais que ça le tofu puant. C'est juste très fermenté. De plus, la cuisine du Hunan est réputée pour être très épicés. D'ailleurs quand j'étais revenue ici en septembre pour le mariage, j'avais l'impression que tout était fade. Je ne trouvais plus le goût à rien.
« Ça veut dire quoi Pichoncita ?
— Poussin !
— Poussin ? Tu m'appelles poussin depuis le début ? Pourquoi poussin ?
— Parce que tu recherches toujours la protection comme un poussin quoi !, s'exclama Abrían hilare.
— Heureusement que je n'ai pas un côté sauvage sinon j'aurais eu le droit à tigresse !
— C'est vrai que tu t'en sors bien dans l'histoire, me taquina-t-il.
— Tu vas moins faire le malin d'ici quelques minutes ! »
Il hausse les épaules et me défie du regard. Il peut me défier autant qu'il veut, je sais qu'il ne va pas rester insensible au tofu puant. D'ailleurs je compte bien là-dessus.
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L'iris bleu
RomanceDepuis la mort de son compagnon, trois ans auparavant, Meï Sullivan ne se sent plus tout à fait la même. Tout est devenu plus difficile et compliqué. Ses relations avec la gente masculine sont au point mort et ceci semble lui convenir au grand dam d...
