Chapitre 50

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Le 3 novembre 2020, Saguenay


Point de vue Abrían

Après avoir raccroché avec Meï, je décide d'aller prendre l'air dans les rues et j'en profiterais pour aller voir June à sa pause déjeuner enfin si elle s'en octroie une. L'air, légèrement trop froid pour l'époque de l'année, me fait dire que l'hiver sera assez rude. Profitons de ces dernières journées de beaux temps avant les grandes tempêtes de neige et les longues soirées à l'appartement.

Quand j'arrive à l'intérieur de la boutique, je frotte instinctivement mes mains afin de les réchauffer. June vient vers moi et m'enlace, me donnant par la même occasion un peu de chaleur.

« L'hiver sera rude ! », s'exclama-t-elle.

Elle se redirige vers son comptoir, moi sur ses pas.

« Oui... Le Mexique me manquerait presque ! », plaisantai-je.

Elle me fait ses yeux de chiens battus, elle n'aime pas quand je parle de partir ailleurs. Toute façon je ne compte aller nulle part, j'ai tout ici autant dans ma vie privée que dans ma vie professionnelle.

« J'ai eu des nouvelles de Meï »

Je préfère annoncer la couleur d'entrer de jeu. Elle me regarde avec un brin de suspicion dans les yeux tandis que mon visage se transforme peu à peu en crispation.

« Et elle va bien ?

— Très très bien ! A un tel point que...

— Que ? »

Elle fronce des sourcils tandis que je mets mes bras en protection devant, l'attendant à sa foudre.

« Ne me frappe pas !, ris-je.

— Je verrais en fonction de ta réponse !

— Elle va rester six mois de plus là-bas...

— Que ? Quoi ? »

Je savais, je savais que j'allais l'énerver. Elle s'approche de moi et me prends par le col en me disant que c'était de ma faute si on était dans cette situation parce que c'est moi qui lui ai dit de prendre l'air loin de Saguenay. Seulement je ne pensais pas qu'elle partirai aussi longtemps et dans l'histoire, moi aussi je suis pris au dépourvu. Je ne suis pas enchanté à l'idée de la voir rester là-bas mais on ne peut la kidnapper et la ramener de force ici, même si j'aime beaucoup l'idée.

« Je vais te tuer Abrían Servano !, s'exclama-t-elle.

— Et Dani n'a toujours rien dit à Meï sinon je pense qu'elle aurait refusé de rester là-bas jusqu'en 2022.

— Putain mais pourquoi elle met autant de temps à lui dire ? Ce n'est pas compliqué surtout que tout est fixé et elle ne le fera pas sans elle.

— Je sais...

— Pourquoi tu ne lui as pas dit ?

— Ce n'est pas à moi de lui dire ça. C'est quelque chose qui les concerne toutes les deux, rétorquai-je.

— Oui mais elle t'apprécie beaucoup ça serait peut-être moins compliquée de l'apprendre par toi !

— Non il est hors de question que je me mêle de ça ! », dis-je catégoriquement.

Elle me vaporise de l'eau sur mon visage avant de me fusiller du regard. Elle peut me faire ses yeux de tueuses ou de merlan frits ou de tout ce qu'elle veut, je ne céderais pas. Je m'essuie négligemment le visage avec la manche de mon manteau.

« Peut-être qu'elle pourra venir. C'est juste l'histoire de quelques jours, je pense que la directrice de l'orphelinat sera d'accord.

— Je l'espère Abrían, je l'espère vraiment.

— Pourquoi tu es si triste ?

— J'ai peur qu'elle ne revienne jamais. C'est bête de dire ça surtout que je ne la connais pas beaucoup comparer à Dani ou même à toi, mais elle me manque vraiment et je n'ai pas envie de passer ma vie sur Skype... »

J'essaie de la rassurer par un sourire mais moi-même je redoute le fait qu'elle ne revienne jamais. En tout cas, elle est bien partie pour le faire.

« Malheureusement c'est sa vie et peu importe son choix, il faudra qu'on l'accepte... Elle est heureuse là-bas, n'est-ce pas le principal ?

— Si bien évidemment mais c'est pas pareil sans elle surtout qu'elle est différente dans le bon sens du terme. On sent qu'elle est pétillante et qu'elle a retrouvé une joie de vivre. Égoïstement j'aimerais pouvoir en profiter...

— C'est vrai qu'elle est pétillante et même fatiguée, elle a meilleure mine que moi !

— Ce n'est pas bien difficile ! Il faut vraiment que tu te ménages ! Tes horaires c'est plus possible !

— Tu ne vas pas remplacer Meï ?, demandai-je agacé.

— Bah écoute elle ne m'en voudra pas de prendre soin de toi, me taquina June.

— Très très drôle. Je suis un grand garçon, je sais ce que je fais.

— C'est ce que tu lui as dit ?, rit-elle.

— Non mais c'est ce que je pense !

— Il n'empêche que tu ne lui as pas dit donc tu ne l'as pas plus ou moins renvoyer sur les roses comme tu viens de le faire avec moi. En faite t'aime bien qu'elle se soucie de toi !

— Pfff tu t'arranges pas avec le temps ! Trouve toi un mec et après on en reparlera ! », lui assénai-je.

Elle lance un regard outrée avant de finalement se mettre à rire, un vrai fou rire lui prend sans savoir ce qui était censé être drôle dans ce que je venais de lui dire. Je fronce des sourcils et attends patiemment une explication qui ne vient visiblement pas, même en attendant quelque minutes. Je finis par lâcher l'affaire.

« Bon j'espère quand même que Daniela va le lui dire... Enfin qu'elle va y parvenir.

— Je passerais la voir tout a l'heure !

— Ouais c'est une bonne idée. Déjà pour lui dire pour Meï et peut-être aussi pour la convaincre de parler.

— Je fais vraiment ça parce qu'il y a quelque chose en jeu, soupirai-je.

— Ouais puis qu'est-ce que tu ne ferais pas pour Meï ! », me dit-elle d'un ton taquin.

Tandis que j'étais en train de me diriger vers la porte, je me retourne vivement et lui fait un doigt d'honneur ce qui l'a fait éclate de rire. J'en ai marre d'elle, parfois je me demande comment je suis capable de la supporter depuis mes onze ans.

L'iris bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant