Chapitre 7

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Encore endormie, le grand fracas provenant de la cuisine me fait sursauter. Je me lève d'un bond et vacille légèrement, manquant de me prendre le pied dans la couette. J'enfile mon gilet et sors de la chambre en frottant mes yeux afin de m'habituer à la lumière du couloir. Il fait encore nuit noire dehors, le jour ne se levant que dans quelques heures.
Dans la cuisine, je vois Joy qui est accroupie par terre en train de nettoyer ce qu'elle avait certainement cassé sur le sol. Elle se lève et remarque ma présence, gênée elle se gratte la nuque.

«  Tu ne peux pas venir chez moi sans casser quelque chose, plaisantai-je

— Je suis désolé. Je voulais prendre un verre et sans que je ne puisse l'expliquer je l'ai lâché !

— Je vais finir par t'interdire l'accès à ma cuisine, poursuivis-je en l'aidant

— Ça ne serait pas une mauvaise chose, je crois »

Elle semble dépitée mais elle ne devrait pas, j'ai l'habitude de sa maladresse. Puis on est tous un peu maladroit surtout à cinq heures du matin.

« Je suis désolé de t'avoir réveillé aussi »

Elle jette les débris de verres dans la poubelle pendant que je me fais chauffer une tasse de lait dans le four à micro-onde.

« Ce n'est pas grave, je somnolais de tout manière...

— Une insomnie encore ?

— Toujours oui, à peu près à la même heure ! »

Le signal sonore du four à micro-onde nous interrompt dans notre conversation. Une nouvelle fois, je frotte mes yeux avant de bailler. Puis je m'assois autour de la table, Joy se plaçant en face de moi.

« Il te manque toujours autant ?

— Disons que je ne m'habitue pas à son absence aussi surprenant que cela puisse te paraître. Je sais ce que tu en penses et...

— Meï ce que je pense ne regarde que moi. Je sais ce qu'il représentait pour toi et il n'y a rien d'étonnant dans le fait que tu ne puisses pas refaire ta vie. Tu te voyais marier avec lui et porter ses enfants donc non je ne critiquerais jamais le fait que tu ne parviennes pas à faire ton deuil », me dit-elle en prenant ma main dans la sienne.

Je lui souris tout en buvant un peu de mon lait chaud.

«  Mais tu sais refaire ta vie ne veut pas dire que tu vas l'oublier et qu'il ne comptera plus jamais pour toi, m'expliqua-t-elle.

— Je me doute mais c'est pas ça qui me perturbe le plus, lui avouai-je.

— C'est quoi ?

— Si je ne veux pas être avec quelqu'un d'autre, c'est aussi car j'aurais l'impression de le tromper. Pour moi, dans mon esprit, je suis toujours en couple avec lui.

— Seulement il est mort et par conséquent tu n'es plus en couple avec lui, rétorqua-t-elle gentiment.

— Moi je ne vois pas les choses comme ça !

— Tu as 26 ans, Meï et la vie devant toi. Pour le moment tu ne te sens pas prête et tu n'as peut-être pas encore rencontré celui qui te feras passer à autre chose, mais crois-moi qu'un jour et sans le faire exprès parler ou penser à Matthew ne te fera plus aussi mal que maintenant.

— Je ne veux pas qu'une telle chose se produise !, m'offusquai-je avant de finir ma tasse.

— Pourtant un jour ça aura lieu et tu ne pourras rien faire contre ça », me sourit-elle.

Je me lève et dépose ma tasse dans l'évier. Je la laverais tout à l'heure.

« Je vais me recoucher », me signala-t-elle

J'acquiesce avant de la suivre pour partir dans ma chambre. Assise sur la banquette, je regarde la rue déserte. Sans le vouloir, je me mets à pleurer. La conversation que je viens d'entretenir avec Joy m'a vraiment affecté. Je me rends bien compte qu'elle a raison et qu'un jour ou l'autre, je serais avec quelqu'un mais je ne peux pas me faire à cette idée, pire que cela je ne veux pas m'y faire.

Quelques heures plus tard,

En sortant du lit, je prends mon pied dans la couette et trébuche la tête en avant. Le bruit sourd de mon corps qui chute lourdement sur le sol fait se précipiter Joy dans ma chambre.

« Meï, qu'est-ce que tu as fait ? », s'inquiéta-t-elle

Elle s'approche de moi alors que je recouvre peu à peu les esprits. Je tente vainement de me relever, la douleur à la cheville est trop intense.

« Je n'arrive pas à me relever, paniquai-je

— Attends je vais t'aider ! »

Elle me prend le bras et le fait passer autour de son cou, puis dépose l'une de ses mains sur ma taille et m'aide ainsi à me relever.

« Tu peux poser le pied par terre ? »

J'essaie mais cela me fait pousser un cri de douleur. Je ne sais pas ce que je me suis faite mais ça relèverait du miracle si je n'ai pas de béquilles ou de plâtre.

«  Je vais t'emmener à l'hôpital. Ça ira plus vite !

— Mais il faut que tu rentres, lui dis-je alors qu'elle me fait sortir de la chambre

— Ça peut patienter quelques heures, je ne vais pas te laisser toute seule dans cet état !, s'offusqua-t-elle

— Une fois que je serais à l'hôpital, tu pars. Après je peux me débrouiller toute seule ! »

Elle lève les yeux au ciel avant d'acquiescer. Il est hors de question que mes maladresses l'empêchent de faire ce qu'elle doit faire. Puis à l'hopital, je suis en sécurité même si j'ai ce lieu en horreur.

«  Heureusement que tu n'es pas en nuisette », me dit-elle en riant.

Je souffle avant de regarder mes vêtements, je ne peux pas y aller dans cet accoutrement. Il faut impérativement que je me change, tant pis si j'ai atrocement mal en me déshabillant ou en me vêtissant. Je fais arrêter Joy et la pousse à me rendre dans ma chambre où je me change.

« Va quand même falloir que tu m'expliques pourquoi tu te mets présentable pour aller à l'hôpital et en mode quasi dégoûtant en soirée !, me taquina-t-elle

— A l'hôpital, je ne suis pas susceptible de rencontrer quelqu'un alors qu'en soirée je peux me faire courtiser...

— Tu es vraiment spéciale parfois, tu sais », rit-elle.

Je prends appui contre son épaule alors que nous sortons de chez moi, vigilantes nous prenons notre temps dans les escaliers. Même si je ne dis rien, je souffre vraiment. Joy m'aide à monter dans la voiture, je recule le siège afin de pouvoir allonger ma jambe. Je ne sais pas ce que je me suis faite mais cela ne m'étonnerait pas si j'ai une entorse à la cheville vu le craquement que j'ai entendu en tombant. Le trajet pour arriver aux urgences m'a paru bien long et l'attente pour se faire admettre aux urgences a été tout aussi longue.

« C'est bon tu peux partir maintenant, le médecin ne devrait plus tarder ! »

— Tu es sûre ?, me demanda-t-elle en m'aidant à m'allonger sur le lit

— Oui je t'assure, vas-y ! », l'encourageai-je

Elle me fait la bise avant de partir à contrecoeur. Bien maintenant je n'ai plus qu'à espérer que le médecin ne va pas prendre une plombe avant de venir car la douleur se fait de plus en plus intense.

L'iris bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant