Le mardi 7 septembre 2021,
Point de vue Abrían
Alors que je venais de quitter mon dernier patient de la journée, je tombe nez à nez avec l'une de mes internes qui aimerait certainement que je sois plus que son supérieur hiérarchique. Malchance pour elle, elle n'est pas mon genre et je n'ai pas la tête à une quelconque relation. Je passe devant elle en essayant d'être le plus invisible que possible.
« Docteur Servano ? »
Je grimace et finis par me retourner sur cette jeune femme aux cheveux raides et blonds me fixant de ses grands yeux marrons. Je savais, tout du moins je sentais qu'elle allait m'interpeller.
« Oui ?
— Je voulais savoir si vous étiez disponible pour aller boire un verre un de ces soirs... »
Elle me fait son plus beau sourire, sourire qui me fait penser à Stacey. Elle n'a pas froid aux yeux pour me faire une telle proposition devant du monde. Est-ce que je dois opter pour le refus gentil ou pour le refus catégorique ? L'avantage du refus catégorique c'est qu'elle n'essaiera pas de me le proposer de nouveau, son inconvénient c'est que je vais passer pour un enfoiré.
« Alors ? », s'impatienta-t-elle.
On ne peut pas dire qu'elle manque de confiance en soi. Elle sait qu'elle plait à la majorité de la gente masculine et elle compte bien jouer de ses charmes avec moi.
« En ce moment je suis très occupée, peut-être une prochaine fois », m'excusai-je.
Elle acquiesce tout sourire tandis que je pars au vestiaire afin de me changer. Andrew sur mes pas.
« Elle est audacieuse l'interne !
— Ne m'en parle pas, soupirai-je.
— Allez avoue quand même que c'est flatteur ! »
Il me charrie pendant que je troque ma chemise pour un bon vieux t-shirt.
« Elle ne te plaît pas ?
— Honnêtement non ! Elle me fait vraiment penser à Stacey...
— D'ailleurs à propos de ça...
— Quoi ?
— Bah on l'a invité au mariage ! J'espère que ça ne te fait rien. De toute façon tu vas passer les trois quarts de ton temps avec Meï !
— N'importe quoi ! Au pire des cas, je ferais ce que je veux ! »
Je referme mon casier, Andrew faisant de même. Nous sommes trop synchrone tous les deux.
« On se rejoint chez June ou on part tous les trois avec Daniela ?
— Non, on n'a qu'à y aller tous les trois. J'ai la flemme de rentrer chez moi pour repartir dix minutes après », lui avouai-je.
Nous sortons de l'hôpital et nous nous dirigeons à la maison d'édition pour aller chercher Daniela. Après vingt minutes de marche, nous y parvenons.
« Elle est excitée comme une vieille puce à l'idée de revoir Meï ! Je te jure j'ai l'impression que le mariage à côté c'est rien !
— Tu n'as pas l'impression d'exagérer ! Puis c'est sa meilleure amie et elle ne l'a pas vu depuis deux ans ! »
Il me regarde un peu perplexe avant de finalement me sourire. Daniela arrive au même moment et me fait la bise avant d'embrasser son copain.
« Tu as passé une bonne journée ?
— Non ! Elle était longue ! Je suis impatiente de voir Meï ! »
Je n'irais pas le leur dire mais j'ai trouvé la journée de garde bien longue aussi. Cependant je suis moins impatient que Daniela à voir Meï, peut-être parce que j'ai l'habitude de lui parler sur Skype et j'ai peur qu'elle change d'attitude en face à face. Tranquillement, nous arrivons devant chez June où Andrew se charge de toquer pour nous trois.
« Alors qui de vous deux, Meï est-elle impatiente de voir ?
— Daniela évidement !, répondis-je.
— Bah je suis quand même sa meilleure amie ! »
Sur ces mots, June finit par ouvrir la porte. Nous entrons chacun notre tour tout en lui faisant la bise. Pas de Meï à l'horizon. June l'a-t-elle tuée ou vendue ?
« Abrían ! », s'exclama une voix familière.
Sans que je ne m'y attende, elle me saute dans les bras ce qui manque de me faire tomber. Elle a de la force la Pichoncita. Je la serre dans mes bras.
« Tu m'as manqué. », me glissa-t-elle au creux de l'oreille.
Je lui embrasse la joue avant qu'elle ne se détache de moi. Sans doute gênée par sa spontanéité et ses propos, elle se mordille la lèvre nerveusement. Puis elle serre dans ses bras Daniela, un très long moment, les larmes aux yeux toutes les deux. C'est dans les moments de retrouvailles que l'on se rend compte de ce que représente l'autre pour nous. Tout du moins c'est ce que je constate en voyant Meï et Daniela, à l'heure actuelle.
« Tu vois, c'est Dani !, fis-je remarquer à Andrew tandis que les filles rejoignaient le salon.
— Elle a crié ton prénom et t'a sauté dessus. Tu as largement gagné ! »
Il éclate de rire pendant que je soupire. Nous prenons place dans le salon, lui sur le canapé entre June et Dani alors que je suis en face de Meï qui me dévisage avant de sourire.
« Je suis tellement contente de te voir, lui dit Daniela.
— Moi aussi ! Même si ça me fait très bizarre d'être parmi vous ! »
Il n'y a rien d'étonnant là-dedans. Le Québec et la Chine ce sont de mode de vie différent. Même si elle est souriante et radieuse, les quelques traits tirés sur son visage la trahi. Elle est fatiguée sans nul doute.
« Tu ne parles pas Abrían !
— Il est fatigué de ses gardes, me taquina Meï.
— Ça c'est vrai mais là j'étais parti ailleurs. »
Je lui souris avant de tenter de me concentrer sur les conversations qui se déroulent sous mes yeux. Finalement, on a réussi à la faire venir à Saguenay mais reviendra-t-elle après sa mission ? Rien est moins sûre !
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L'iris bleu
RomanceDepuis la mort de son compagnon, trois ans auparavant, Meï Sullivan ne se sent plus tout à fait la même. Tout est devenu plus difficile et compliqué. Ses relations avec la gente masculine sont au point mort et ceci semble lui convenir au grand dam d...
