Chapitre 68

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Le mardi 28 septembre 2021,

Point de vue Abrían

Pendant que je verse mon café dans une de mes tasses, je constate que Meï essaie de me joindre sur Skype. Je n'ai pas eu de ses nouvelles depuis son départ et je ne lui en veux pas, je sais à quel point ça a été compliqué pour elle de repartir. J'espère qu'elle s'est refaite facilement à sa vie là-bas.

« Salut Pichoncita, comment tu vas ?

— Bien... »

Son ton est loin d'être convaincant. Elle me dit ça plus pour me faire plaisir qu'autre chose.

« Je voulais simplement avoir de tes nouvelles... Je n'ai pas trop eu le temps de le faire même si l'envie était présente... »

Elle pousse un profond soupir.

« Ce n'est pas grave ma Pichoncita. Sois pas triste pour ça !

— Et si tu avais raison ?

— Pardon ?

— Oui et si tu avais raison ? Regarde ça fait trois semaines que je ne t'ai pas donné signe de vie... Je n'ai pas eu le temps avec les enfants et tout le reste.

— Tu es triste pour ça ?

— Oui parce que si je décide de rester, je vais te perdre ! Je le sais maintenant. »

Elle se met à pleurer à chaude larme sans que je ne puisse faire quoique ce soit pour la consoler. Je suis complètement impuissant et c'est frustrant de ne rien pouvoir faire. Autant j'aime la voir rire et sourire, autant la voir pleurer ça me fait mal surtout quand j'en suis le responsable.

« Tu me manques... J'aimerais tellement pouvoir te parler plus régulièrement mais on a douze heure de décalage entre nous... »

Je la fixe longuement, ne sachant pas quoi lui répondre. Si je lui dis qu'elle me manque, elle risque de pleurer davantage mais si je ne dis rien, elle va croire que je m'en fiche éperdument ce qui serait totalement faux.

« Ma Pichoncita calme-toi ! Tu ne me perdras pas d'accord ? Puis avant on ne se parlait pas forcément souvent et ça ne nous a pas empêché d'être proche quand tu es revenue.

— Oui mais c'était avant, avant que l'on se revoit ! »

Je la dévisage un long moment. Elle est complètement abattue et désemparée.

« Tu me manques Abrían, tu me manques vraiment beaucoup et je ne pensais pas que tu me manquerais autant... Je ne veux pas te perdre et pourtant en étant ici, j'ai l'impression de te perdre de jour en jour... »

J'essaie de lui sourire mais je suis terriblement inquiet de la voir dans cet état. Elle est sincère et honnête, il n'y a pas de doute là-dessus mais elle est immensément triste.

« Ma Pichoncita, ce n'est qu'une impression. Crois-moi que tu ne me perds pas ! Oublies mon ultimatum !

— Non je ne peux pas parce que tu me l'as dit en le pensant !

— Meï... »

Je ne sais plus quoi lui dire pour qu'elle arrête de pleurer ou même pour qu'elle arrête de penser qu'elle me perd. J'avais vraiment eu la pire des idées en lui lançant cet ultimatum, maintenant elle se refuse de choisir la Chine alors qu'elle était sur le point de le faire. Je voudrais retourner en arrière et m'arracher la langue pour ne pas dire une sottise pareil.

« Abrían ose me dire que tu ne le pensais pas à ce moment-là !

— Je...

— Tu vois, tu le pensais !

— Meï... »

Elle vient de passer de la tristesse à la colère en une fraction de seconde. Je n'arrive pas à la suivre.

« Non Abrían tu ne peux pas me dire une telle chose et après me dire oublie ce que j'ai dit ! C'est trop facile ! », s'indigna Meï.

Elle essuie rageusement une larme tandis que je bois une gorgée de café dans ma tasse.

« Je ne pensais pas que tu tenais à ce point à moi ! Je ne pensais pas que ça impacterait à ce point ton choix !

— Quand on ne sait pas, on évite de balancer des ultimatums !

— Je... »

Ses yeux sont emplis d'une colère noire, je ne sais pas pourquoi elle m'en veut autant. Après tout, je lui ai redonné son libre arbitre.

« Toi c'est facile ! Tu es à Saguenay, tu n'as pas eu besoin de partir à l'étranger pour une quelconque raison, tu as un travail et des amis tout proche !

— Je...

— Je voulais vivre ici parce que j'avais mes habitudes, j'avais tissé de nouveaux liens avec des personnes. Je commençais à avoir une nouvelle vie ! »

A cet instant, je sais qu'elle va m'en mettre plein la tête. Elle est en colère et me déteste très certainement.

« Je pensais bêtement que tu serais le premier à le comprendre et à m'encourager dans cette voie ! Mais non !

— Je...

— Tu as préféré me faire un chantage ! En sachant pertinemment que ça ne me laisserait pas de marbre !

— Meï si tu veux rester à Fenghuang alors reste là-bas ! Maintenant essaie de te calmer !

— Non je te déteste ! Je te déteste vraiment Abrían ! Toi tu as le beau rôle, celui qui lance un ultimatum et qui verra ce qu'il donnera. Moi j'ai le rôle de celle qui doit choisir entre la peste et le choléra, j'ai le mauvais rôle. Je ne veux blesser personne et je ne veux perdre personne surtout pas toi. Alors oui je te déteste ! »

Sur ces mots, elle raccroche. Si elle voulait me blesser, elle vient de réussir à brio. Je me frotte les yeux en me demandant bien comment en l'espace de trois semaines on a pu en arriver à un tel stade. Je ne comprends pas cette colère soudaine qui ne lui ressemble pas ou très peu.

L'iris bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant