Chapitre 73

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Le 21 novembre 2021, Fenghuang

Point de vue Meï

En sortant de ma chambre, je pars directement à la cuisine où tout le monde est déjà présent. Je fais la bise à Chan, Sara et Willy avant de m'asseoir auprès d'eux.

« Bien dormi? », leur demandai-je.

Tout le petit monde acquiesce avant qu'un silence de mort perdure durant quelques minutes. J'en profite pour regarder mes amis, tous un peu endormi quand même. Sara et Willy se jette des coups d'œil amusé tandis que Sara a le nez plongé sur son riz.

« Tu es sure de ton choix ?, plaisanta Willy.

— Très drôle ! Oui je suis sûre !

— Ce qui m'inquiète vraiment c'est Shu... », me dit Chan.

Je le suis tout autant qu'elle. Nous sommes très proches toutes les deux et je sais qu'elle va être triste, seulement je retarde depuis quelques jours le moment où je devrais lui dire que je retourne dans mon pays.

« Tu devrais lui parler Meï... Elle va avoir beaucoup de chagrin mais je ne crois pas que la mettre devant le fait accompli sera mieux.

— Elle risque de t'en vouloir, ajouta Sara.

— Je ne sais pas quoi faire...

— Écoute tu as tissé un vrai lien avec elle quasi maternelle. Au fond je suis sure que tu sais ce qu'il faut faire », me sourit Chan.

J'aimerais en être aussi sûre qu'elle. Je n'aime pas avoir cette sensation de l'abandonner. Je soupire. Je me rends compte que ce n'était pas la Chine en elle-même qui me retenait ici, mais elle.

« Tu l'as dit à tes amis que tu revenais ?

— June oui, les autres non !

— Même pas Abrían ?

— Non surtout pas lui, dis-je en riant.

— Tu es vraiment méchante !, plaisanta Sara.

— Crois-moi c'est de bonne guerre ! », plaisantai-je.

Elle me fait une moue septique avant de se remettre à manger. Mon regard croise celui de Shu qui est en train de rire avec ses amis. J'aime tellement la voir heureuse que ça me crève le cœur de lui faire du mal sans le vouloir. Je mange rapidement avant de sortir du réfectoire.

Quelques minutes plus tard, je profite d'un moment de répit avec les enfants pour prendre à part Shu. D'abord hésitante, elle finit par me suivre dans le dortoir où elle dort. Je me mets à sa hauteur avant de prendre ses mains, elle me regarde curieusement. Je cherche mes mots autant pour qu'elle comprenne bien que pour ne pas qu'elle est trop de peine.

« Il faut que je te parle de quelque chose », lui dis-je.

Elle acquiesce avant que je ne la fasse s'asseoir sur son lit, moi accroupie devant elle. Je pose mes mains sur ses genoux.

« Tu es triste Meï...

— Un peu oui !

— Qu'est-ce que tu as ? »

Elle pose sa main sur ma joue et la caresse tendrement. Elle est tellement gentille.

« Je vais partir, lui avouai-je.

— Où ?, paniqua Shu.

— Dans mon pays...

— Comme la dernière fois. Après tu vas revenir, hein Meï ? »

Son visage change d'expression. Elle a peur de ce que je vais lui dire. Je secoue négativement la tête en réprimant ma tristesse. Ses yeux s'humidifient. Je pose ma main sur sa joue afin de sécher ses larmes.

« Pourquoi tu veux partir ? »

Elle passe ses bras autour de mon cou et me serre fort contre elle, son souffle dans mon cou. Je dépose l'une de mes mains dans ses cheveux et l'autre dans son dos.

« Mon pays me manque, puis je n'étais ici que pour un certain temps...

— Alors tu vas me laisser ! »

Elle se détache de moi et je lui essuie les quelques gouttes sur ses joues. Je secoue positivement la tête.

« Pars pas s'il te plaît », me supplia-t-elle avant de pleurer de nouveau.

Je la prends dans les bras et la serre de toutes mes forces.

« Je ne peux pas Shu...

— Emmène moi avec toi alors !

— Je ne peux pas.

— Pourquoi ?

— Si je fais ça, on se fâchera contre moi et on me punira.

— Mais on est bien toutes les deux... »

J'acquiesce les larmes aux yeux. C'est dur pour moi de la voir me supplier de rester ou m'implorer de l'emmener avec elle.

« Alors emmène moi !

— Shu... Même si je le voulais, je ne pourrais pas.

— Mais j'ai pas de maman ou de papa, tu pourrais devenir ma maman. »

Je la regarde, attendrie par ses propos. Ça me fait tellement de mal de devoir lui dire au revoir.

« Shu même si je devenais ta maman, je serais obligée de retourner dans mon pays avant...

— Meï ne me laisse pas s'il te plaît ! Je serais sage comme une image, je ferais pas de bêtise ! », me supplia-t-elle.

Je secoue négativement la tête, avant de lui faire un sourire tendre. Je lui caresse sa joue avant de la serrer dans mes bras.

« Shu, je ne peux vraiment pas... Je sais que c'est difficile à entendre mais je ne peux vraiment pas t'emmener avec moi...

— Je te déteste ! », me dit-elle en se dégageant de mes bras.

Surprise et blessée par ses propos, je me relève et sors du dortoir. Je préfère la laisser se calmer toute seule. Je m'adosse au mur, un peu plus loin, et me laisse tomber au sol. Je ne pensais pas qu'elle réagirait aussi mal et je ne pensais pas non plus que ça me ferait aussi mal surtout de l'entendre dire qu'elle me déteste. Je me sens tellement impuissante dans son mal être.

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