Chapitre 62

4.7K 462 13
                                    



Point de vue Meï

Voilà pourquoi je redoutais le jour où je serais demoiselle d'honneur. Être là, à devoir marcher dans des chaussures qui me meurtrissent d'heure en heure mes pieds, devant une assemblée qui attend désespérément de voir la mariée dans sa robe blanche. Puis tous ces regards insistants sur moi, je n'apprécie pas du tout. Pourquoi j'ai accepté une telle proposition ?

Je croise le regard de Stacey qui, si elle pouvait tuer avec ses deux opalines, le ferait bien volontiers. Abrían ça fait deux ans, puis je n'ai rien demandé non plus. Je ne peux m'empêcher de lui faire un sourire entendu. Je finis par regarder Abrían qui se retient visiblement de rire en voyant le comportement de Stacey. Rappelez-moi pourquoi ils l'ont invité ? Ah oui parce que c'était un peu une amie du couple. Grosse foutaise ! 

Pour les quelques derniers mètres, Abrían vient à mon secours en me donnant son bras.

« Vivement que tu sois en Chine, plus de talon à porter », me chuchota-t-il.

Si seulement je pouvais lui balancer mon bouquet dans la tête à ce moment-là, je ne m'en priverais pas.

« Tu ne vas pas recommencer ? Si ?

— J'ai rien dit, je fais juste un constat. »

Il me sourit et m'amène jusqu'à ma place. Je broie volontairement sa main ce qui lui fait pousser un léger bruit plaintif.

« Pas de violence dans une église, me glissa-t-il à l'oreille.

— Contre le Diable, on a le droit ! », m'exclamai-je entre mes dents.

Il réprime son envie de rire et s'installe en face de moi, à côté d'Andrew qui nous regarde complètement désespéré par la situation. Abrían lui glisse quelque chose à l'oreille tout en me regardant. Andrew qui, jusqu'à maintenant semblait nerveux, ne peut s'empêcher d'émettre un rire. Qu'est-ce qu'il lui a dit ?

Je lance un regard assassin à Abrían tandis que la mariée approche de l'autel. Daniela est juste sublime dans sa robe à dentelle blanche qui lui ceintre parfaitement le corps. Son père semble tout aussi ému qu'elle et que dire de sa mère qui est assis sur le banc, le mouchoir prêt à l'emploi. Je me demande bien ce que l'on peut ressentir en se mariant ou même en étant la mère du marié ou de la mariée. A cet instant, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour Matthew. On aurait pu se marier mais avec le temps qui défile, je me demande de plus en plus si l'on avait autant de point commun qu'on le prétendait. Même si l'on voulait prendre la même direction, on ne voulait pas s'y rendre en même temps. J'avais besoin d'un lapse de temps que lui ne comprenait pas pendant que moi, je ne comprenais pas sa volonté de vivre tout tout de suite. La main tremblante, Daniela me donne son bouquet de fleur que je garde précieusement. C'est parti pour à peu près trente minutes de Jesus, Ève et Adam et tout ce qui va avec.

Je porte mon attention sur l'assemblée qui est devenue tout d'un coup bien silencieuse, à l'affût de tout. Abrían, les mains serrées contre lui, semble perdu dans ses pensées. Une chose est sûre c'est qu'il ne prête pas du tout attention aux propos du pasteur. Se sentant fixé, il finit par me détailler lui aussi. Mal à l'aise, mes yeux se perdent sur les bouquets de fleurs.

Le « oui » d'Andrew me fait sortir de mes pensées. Enfin on arrive au moment le plus intéressant du mariage. Je regarde les deux mariés se prêter serment avant de mettre les alliances. Puis le baiser arrive sous les acclamations de l'entourage proche et plus éloigné.

« Félicitation », lui dis-je en lui redonnant son bouquet.

Elle acquiesce, toute émue. Main dans la main, ils commencent à marcher en direction de la sortie. Abrían me tend le bras que j'accepte volontiers. J'ai mal aux pieds et être soutenue ne va pas me faire de mal.

« Tu es réellement en train de mettre tout ton poids sur mon bras ?

— J'ai mal aux pieds ! Y a un problème avec ça ?, lui murmurai-je.

— Non ça ne me change pas beaucoup du travail. Seulement là c'est pas une grand-mère de 90 ans que je soutiens ! »

Je m'arrête et le fusille du regard. Il va se le prendre ce bouquet, vraiment. Je ne suis pas violente mais il me cherche les ennuis.

« Vous pouvez pas arrêter deux secondes de vous comporter comme des gamins et être un peu adulte !, soupira June derrière nous.

— On est des adultes ! », répondit-On en chœur.

Au traditionnel lancement du bouquet de la mariée, June est l'heureuse gagnante. Je lui souris et lui intime de me dire qui est le prétendant, elle hausse les épaules avant d'éclater de rire.

« Au passage, c'est mal de fantasmer sur le sexe opposé en plein mariage et dans une église », me chuchota au creux de l'oreille Abrían.

Je pique un fard alors qu'il éclate de rire. Je ne le reluquais pas, j'étais perdue dans mes pensées. Va-t-il comprendre la nuance un jour ?
June me prend le bras et m'amène jusqu'à la salle de réception. Laissant Abrían comme un idiot. Bien fait !

« Et il a raison ! Tu le détaillais bien comme il faut, j'imagine que la vue était bonne !, s'esclaffa June.

— Non mais vous délirez tous les deux ! J'étais perdue dans mes pensées !

— Oui c'est ça et comme par hasard à chaque fois que ça t'arrive, c'est Abrían que tu fixes !

— Tout a fait c'est du hasard ! »

Je lui fais mon air le plus convaincant avant qu'elle ne me fasse une moue septique. C'est censé être la fête de Dani et Andrew, pas la mienne.

L'iris bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant