Le lundi 23 septembre 2019,
Après plus d'une heure de retard, nous entrons enfin dans l'avion. Je m'assois sur le siège indiqué par mon billet, siège en queue d'avion et donnant sur le couloir. J'aime bien l'avion, peut-être car j'ai l'habitude de le prendre depuis l'âge de trois ans, mais j'ai besoin de me dire que s'il y a un accident je pourrais partir plus rapidement que si j'étais placée à côté du hublot. De plus, il est prouvé que le taux de survie est plus important en queue d'avion et derrière les ailes.
Je sors mon portable de la poche de mon blouson une dernière fois avant de devoir l'éteindre. Aucun nouveau message.
« Excusez-moi je suis à côté du hublot », me dit une voix féminine.
Je quitte mon écran du regard pour me concentrer sur mon interlocutrice. C'est une femme d'une quarantaine d'année, les cheveux attachés en un chignon très désordonné. Elle me sourit tandis que je la laisse passer. A ses mains qui tremblent je comprends rapidement qu'elle n'est pas à l'aise dans un avion. Elle enlève son blouson et finit par s'asseoir avant d'une nouvelle fois se lever pour remettre correctement son haut.
Toujours sur mon portable, je souris. Sa nervosité est palpable et même si je ne le montre pas, je ne suis pas plus à l'aise qu'elle. J'adore l'avion mais faudrait enlever les phases de décollages et d'atterrissages.
« Je suis désolé, je suis un peu nerveuse », s'excusa la femme brune.
J'acquiesce tout en éteignant mon téléphone. Je le remets dans le blouson qui est sur mes genoux.
« Ne soyez pas désolé. Vous savez je ne suis pas plus à l'aise que vous. Je déteste les décollages et les atterrissages, lui signalai-je.
— Surtout quand le pilote ne connaît pas le mot douceur, me sourit-elle.
— Je confirme », ris-je.
Le stewart se déplace de rangée en rangée pour nous avertir qu'il fallait que l'on s'attache car nous allons bientôt décoller. La femme à mes côtés pousse un profond soupir avant de poser sa tête en arrière.
« Ce sont les phases les plus critiques. Là où les accidents et les crashs sont les plus fréquents !
— C'est vrai, reconnus-je. Mais je suis sûre que l'on a un brillant pilote qui va tous nous faire arriver vivant à l'aéroport, lui dis-je.
— Vous allez où ?
— A Fenghuang !
— Oh c'est un très jolie endroit ! Enfin quand ce n'est pas bondé de personnes ! Vous allez y faire quoi ?
— Je vais travailler dans un orphelinat de l'ancienne ville. »
Elle me sourit tandis que l'avion prend son élan pour décoller. J'essaie de réfléchir à autre chose qu'au fait que je suis en train petit à petit de quitter la terre ferme. Une fois que l'avion a atteint son altitude de croisière, j'entends un profond soupir tout près de moi.
« Et vous où vous rendez-vous ?
— Je rejoins mon mari et mes enfants tout près de Fenghuang aussi. J'étais ici pour les affaires, m'expliqua-t-elle.
— Ils doivent certainement vous attendre avec impatience ! », m'exclamai-je en souriant.
Elle acquiesce avant d'afficher un petit rictus. J'ai dû mal à me dire que je pars pour deux ans, que je ne verrais plus mes amis ou même mes parents quand j'en avais l'occasion. A cet instant précis, je prends conscience que je viens de tout quitter.
Le voyage se passe relativement vite et bien. Quand je sors de l'aéroport, une jeune femme m'attends dans le hall, une pancarte à la main avec mon prénom et mon nom.
« Bonjour, je suis Meï Sullivan », annonçai-je dans un chinois tout juste compréhensif.
La jeune femme acquiesce et commence à me parler dans un chinois un peu trop soutenu et rapide pour que j'en saisisse la teneur complète. Je m'excuse auprès d'elle et lui demande de parler un tantinet moins rapidement. Je sais le parler par le biais de ma mère c'est vrai mais devoir parler cette langue comme si c'était ma langue courante, ça m'est encore impossible. En plus, la fatigue ne me permet pas de me concentrer sur les propos de la jeune femme.
« Au faite je m'appelle Chan ! Tu peux me tutoyer si tu le désires !, me dit-elle en mettant mes bagages dans le coffre de la voiture.
— D'accord. Tu travailles depuis longtemps à l'orphelinat ?
— Non depuis un an. Tu vas voir la directrice est un amour et je ne te parle même pas des enfants qui sont des amours. Je suis sûre que tu vas te plaire ici. »
J'espère que je vais m'y plaire car sinon les deux ans risquent d'être interminable. Je suis surprise par la grandeur de l'architecture, tout semble immense dans ce pays. La masse de personnes dans les rues est impressionnantes et je ne parles même pas de la circulation automobile. Je n'avais jamais remarqué que le coin était aussi vivant quand j'étais petite et que je venais ici avec mes parents.
« Tu as l'air impressionné ! Tu n'as pas tout ça chez toi ?, me demanda Chan.
— Si évidement mais nous sommes tellement moins nombreux que cela me semble effrayant ici.
— Rassure toi, l'orphelinat est dans le seul coin calme de Fenghuang. Puis les touristes vont bientôt partir et nous allons retrouver la sérénité. Si tu veux pendant notre temps libre, je pourrais te faire visiter les environs.
— Avec plaisir. »
Elle me sourit et se concentre sur la route. J'en profite pour sortir mon portable et l'allumer. Nous sommes le mardi 24 septembre et il est 10h45, soit 12h00 de plus qu'au Québec. Le décalage horaire est assez conséquent d'où ma fatigue extrême. En plus d'être dépaysé par le pays et par la langue, je dois subir les revers du changement d'heure. Je baille.
« Tu as l'air fatiguée. Tu as eu combien d'heure de vol ?
— Beaucoup trop a mon goût, ris-je. Déjà on a eu une heure de retard.
— Il est quelle heure chez toi ?
— 22h45 mais hier ! »
Elle émet un bruit de surprise avant de piler sec. Ici, ce sont les bus qui ont là priorités sur les motos et les voitures. Je viens littéralement de voir ma vie défilée sous mes yeux. Est-ce que Matthew a eu le même sentiment quand il a perdu le contrôle du véhicule ?
« Ça va, Meï ?
— Je... oui !
— Tu es sûre ? Tu as des larmes qui coulent sur ton visage ! »
Je n'avais même pas remarqué que je venais de sangloter. Je ne suis pas guérie de Matthew, vraiment pas.
« Je vais bien. J'ai juste eu peur.
— Tu ne devrais pas ! Je suis une très bonne conductrice.
— Votre code de la route est un peu différent du notre, lui souris-je.
— Ah bon ?
— Oui. »
Elle me sourit tandis que je reporte mon attention sur mon téléphone que je serre dans ma main. J'envoie un message à Dani et à mes parents pour leur dire que je suis bien arrivée en Chine. Je sais que Dani se chargera de le dire aux autres, tout comme mes parents au reste de la famille.
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L'iris bleu
RomanceDepuis la mort de son compagnon, trois ans auparavant, Meï Sullivan ne se sent plus tout à fait la même. Tout est devenu plus difficile et compliqué. Ses relations avec la gente masculine sont au point mort et ceci semble lui convenir au grand dam d...
