Point de vue Meï
Quand le soir est venu, je suis devenue très nostalgique. J'ai passé une semaine riche en émotion et en rebondissement. Tout en buvant, je les regarde longuement. Andrew et Daniela semblent plus heureux que jamais, c'est sans doute les joies des premières années de mariage. Je me revois encore venir avec elle au bar afin de savoir si Andrew était là. Elle a su saisir sa chance et c'est peut-être toute la différence entre elle et moi. Je suis passive là où elle est active.
« Ça va ? », me demanda June.
J'acquiesce avant de la regarder discuter avec les autres. Elle est devenue en deux ans l'une de mes plus proches amies. Je peux toujours compter sur elle pour me faire réfléchir sur telle ou telle chose mais toujours en essayant de m'en faire rire.
Je finis par porter mon attention sur Abrían, qui a défaut de porter une chemise, porte un t-shirt. Quand je lui ai fait la bise tout à l'heure, je crois que je ne me suis jamais sentie aussi mal à l'aise de toute ma vie. Heureusement il n'a pas essayé de me taquiner là-dessus. Voyant que je le fixais, il me sourit avant de reprendre vivement sa discussion.
Je ne sais même pas de quoi ils parlent et en vérité je m'en fiche, je veux simplement me souvenir de ce moment. La Chine me parait si anodin tout d'un coup. Je finis par les laisser parler, préférant m'isoler à l'extérieur.
L'été indien semble encore bien présent et d'après Willy, en Chine, il ne fait que de pleuvoir depuis une semaine. Je regarde les étoiles dans le ciel alors que j'entends des pas s'approcher.
« Tu ne changeras jamais ! », me sourit Abrían.
Je lui souris avant de secouer négativement la tête. J'aime regarder le ciel depuis que je suis toute petite et ça, ça ne changera jamais. C'est tellement fascinant.
« On n'a jamais vraiment parlé de la Chine quand tu es revenue, m'avoua-t-il.
— Disons que tu t'es braqué assez rapidement... Mais je ne t'en veux pas.
— Tu te sens prête à y retourner ? »
Il ne me regarde pas, préférant de loin voir les étoiles dans le ciel.
« Pas vraiment... Vous allez me manquer...
— C'est normal mais une fois que tu seras là-bas, tu verras que tu reprendras tes habitudes. »
Il finit par me regarder en souriant.
« Peut-être ! Toute façon je me dis que c'est juste pour quelques mois ! Après je reviens ici ! »
Il me dévisage un long moment avant de soupirer.
« Meï, ne fait pas attention à mon chantage ou mon ultimatum. Tu ne me perdras pas peu importe ce que tu décides de faire. Tu es heureuse en Chine, tu es attachée à tes habitudes et aux enfants. Si tu te débrouilles bien je suis même sûr que la directrice pourrait te donner un poste dans l'orphelinat. Ne te fie pas à ce que je t'ai dit, je voulais simplement te blesser.
— Je...
— Tu ? Rien du tout ! Tu agis en ton âme et conscience. Je ne suis personne pour te dire ce que tu dois faire ou non, tu es assez grande pour le savoir. Je n'aurais jamais dû agir de la sorte et je suis désolé. »
Je le fixe, les yeux comme une soucoupe. Pourquoi ce revirement soudain de situation ? Il me sourit avant de caresser brièvement ma joue.
« T'en fait pas Pichoncita, on se parlera toujours ! On aura juste douze heures de décalage entre nous.
— Mais...
— On verra bien ce que ça donnera. Dans dix ans on se parlera peut-être toujours, ou pas ! »
Je ne comprends pas pourquoi la seule personne qui me retenait ici veut finalement me laisser partir...
« Pourquoi ce changement soudain ? J'ai dit quelque chose quand j'étais bourrée »
Il éclate de rire avant de reprendre son sérieux.
« Tu ne m'as rien dit à part que je sentais bon, que j'étais méchant parce que je t'avais laissé toute seule et tu voulais que je t'embrasse ! »
Je sens la chaleur monter à mes joues. C'est décidé, je ne boirais plus jamais de toute ma vie. C'est terminé !
« Je suis vraiment désolé !
— Oh tu sais j'en verrais d'autres ! Puis tu étais drôle.
— Pourquoi tu ne veux plus que je prenne en compte ce que tu m'as dit ?
— Parce que c'est un mensonge, tu ne me perdras pas. Tout du moins pas volontairement. Puis je t'ai toujours encouragé à faire ce que tu voulais vraiment faire, je ne vois pas pourquoi ça changerait subitement », me sourit Abrían.
Il est vrai qu'il m'a toujours encouragé à faire ce que je voulais autant pour gérer mon deuil que pour partir en Chine. J'ai réellement toujours pu compter sur lui et j'espère, égoïstement, que ça sera le cas pour encore longtemps.
« Tu dois rester ici uniquement si tu le désires et pas parce que quelqu'un a décidé que tu devais rester ici.
— Je ne sais pas quoi te dire... À part merci d'être aussi sincère avec moi et aussi présent pour moi. »
Il me sourit avant de prendre mes deux joues en otage.
« De rien. Je suis là pour ça non ? », me dit-il en embrassant mon front.
J'acquiesce avant qu'il ne parte retrouver les autres, me laissant seule et perplexe dehors. Je ne savais déjà pas ce que je voulais mais là je le sais encore moins. Son chantage avait au moins le mérite de pencher la balance sur Saguenay maintenant qu'il me dit qu'il n'a plus lieu, je suis à nouveau le cul entre deux chaises.
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L'iris bleu
RomanceDepuis la mort de son compagnon, trois ans auparavant, Meï Sullivan ne se sent plus tout à fait la même. Tout est devenu plus difficile et compliqué. Ses relations avec la gente masculine sont au point mort et ceci semble lui convenir au grand dam d...
