Depuis deux heures, je prends mon mal en patience. Toujours aucun médecin qui pointe le bout de son nez, une infirmière vient toutes les vingts minutes pour me prévenir qu'un médecin allait bientôt arriver et plus le temps passe et plus je trouve des limites à ma patience. Je sais bien que ma cheville n'est pas une urgence par rapport à une personne multi-traumatisée ou une personne qui est à deux doigts de faire un anévrisme, mais il n'en reste pas moins que cela fait quatre heures que je suis tombée et ma cheville gonfle a vu d'oeil. Je sors mon portable du sac et vérifie l'heure. 11h04. Avec un peu de chance, je serais sortie pour treize heures ou quatorze heures.« Meï ! », s'étonna Andrew en entrant dans la pièce.
J'espérais secrètement que ça soit lui qui me soigne, c'est pour cette simple raison que j'avais demandé à Joy de m'emmener ici et pas à l'hôpital le plus proche de chez moi. Vêtu de sa blouse blanche de médecin, il me sourit.
« Bien voyons ce que tu as fait à ta pauvre cheville »
Il l'examine et me pose quelques questions auquel j'y réponds automatiquement. Au moment où il me demande comment je me suis faite ça, je me mords la lèvre, me sentant vraiment ridicule.
« Alors ?, me dit-il
— Je me suis prise le pied dans ma couette...
— Tu as entendu un craquement en chutant ?
— Oui...
— Bien, on va te faire faire une radiographie », conclut-il en regardant ma cheville
Son visage est sérieux et son inquiétude semble grande. Je crois que je n'ai pas une simple entorse et je devine qu'il cherche à savoir si je ne me suis pas fracturé la cheville en me faisant passer une radiographie.
« Tu ne penses pas que c'est une entorse ?
— Honnêtement Meï, je crois que tu viens de te fracturer la cheville... Je te fais la radio pour être sûr de mon diagnostic.
— Tout ça pour une couette, soupirai-je. Je vais rester ici combien de temps ?
— Je ne sais pas... Tout dépend de ce que va dire la radio...
— Et je vais la passer quand ?
— D'ici quelques minutes voire dans une heure, me sourit-il
— Génial », soupirai-je
En plus d'apprendre que je vais certainement passer un mois, la jambe dans le plâtre, je vais devoir encore attendre une heure tout au plus avant d'avoir la confirmation de son diagnostic et certainement une heure encore avant de me mettre la cheville dans le plâtre. A cet instant précis, je me maudis. Il me sourit et sort de la pièce. J'imagine que je n'ai plus qu'à prendre une nouvelle fois mon mal en patience.
Au bout de trois quart d'heure, je passe à la radiographie où le diagnostic est sans appel. J'ai bien une fracture de la cheville. Je soupire. La radiologue m'invite à retourner dans la salle où j'étais, se déplacer en fauteuil roulant ce n'est vraiment pas chose aisé tellement bien qu'une jeune aide-soignante me vient en aide et me ramène dans la chambre où elle me fait m'allonger. Je n'ai plus qu'à attendre Andrew maintenant. Elle sort de la pièce après avoir bien vérifié que j'allais bien.
Je prends mon sac et sors mon portable où je consulte mes messages. J'avais déjà reçu deux messages de Daniela, elle semble se faire un sang d'encre pourtant à part une cheville cassée je n'ai rien de grave. Je lui envoie un message rassurant malgré le manque de réseau évident.« Meï, je savais que je pouvais potentiellement te manquer mais de là à te casser une cheville », rit une voix rauque.
Je quitte mon portable des yeux et regarde mon interlocuteur. Je soupire en constatant que c'était Abrían. Je ne savais pas qu'il travaillait dans le même établissement qu'Andrew. Je le détaille légèrement. Ses lunettes lui confère un air sérieux qui est plutôt rassurant et sa chemise légèrement entrouverte laisse entrevoir la petite pilosité de son torse. Il fronce des sourcils tandis que je secoue la tête.
« Je ne savais pas que tu travaillais avec Andrew, lui expliquai-je.
— Meï, je plaisantais ! Je me doute bien que tu ne t'es pas cassée la cheville pour venir me voir », me sourit-il.
Il touche ma cheville blessée et regarde une nouvelle fois le rapport de la radiologue. Deux infirmières entrent dans la pièce avec certainement ce qui va servir pour faire un plâtre.
« Je te préviens, tu risques d'avoir mal quand je vais remettre correctement ta cheville...
— Je ne suis pas douillette, le coupai-je froidement.
— Tant mieux alors. Tu peux t'asseoir sur le bord s'il te plait ? »
Je lui obéis et laisse ma jambe pendante. Il s'assoit en face de moi sur son tabouret roulant et prend ma cheville en otage. Il semble chercher la jointure de la cheville et sans m'avertir une seule seconde, il la remet correctement m'arrachant par la même occasion un cri de douleur. Il me fait un sourire satisfait alors que je rêve de le traiter de tous les noms à cet instant très précis.
« Moi qui croyais que tu n'étais pas douillette !
— Tu ne m'as pas avertit, me défendis-je
— Je ne voyais pas l'utilité de te prévenir puisque tu m'as dit que tu n'étais pas douillette ! »
Je pousse un long soupir pendant qu'il me bande la cheville et le mollet.
« J'en ai pour combien de temps ?
— Un mois avec dix jours de rééducation, répondit-il
— Génial...
— Visiblement la couette a été plus forte que toi », rit-il en relâchant ma cheville
Je sens la chaleur montée dans mes joues, honteuse qu'il le sache. Je suis sûre que c'est Andrew qui lui a dit dans les couloirs de l'hopital, c'est la seule explication qui me vient à l'esprit.
« Je peux tout de même aller travailler ?
— Il consiste en quoi ton travail ?, me dit-il en allant vers le bureau à ma droite
— Je suis correctrice, lui expliquai-je.
— Je vais t'arreter pour dix jours par mesure de précaution mais après tu pourras y retourner, m'avertit-il.
— D'accord, merci.
— Je vais te prescrire des antalgiques pour cinq jours. Quelqu'un peut venir te chercher ?
— Daniela m'a dit qu'elle viendrait »
Je le regarde inscrire sur l'ordonnance les choses dont il vient de me parler et me mets à pouffer de rire en repensant à la raison qui m'a amené ici. Matthew serait là, il se serait moqué après s'être inquiété bien évidement. J'en aurais entendu parler pendant des semaines, des mois voire des années. Abrían se retourne vers moi et semble surpris de me voir rire.
« Que me vaut ce rire ?
— Rien c'est pas toi, je repensais juste à quelque chose », lui souris-je.
Il acquiesce avant de me tendre le bout de papier et me donne les béquilles afin que je me mette debout. Je sors de la pièce en même temps que lui et attends sagement Daniela dans le hall de l'hôpital.

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L'iris bleu
RomanceDepuis la mort de son compagnon, trois ans auparavant, Meï Sullivan ne se sent plus tout à fait la même. Tout est devenu plus difficile et compliqué. Ses relations avec la gente masculine sont au point mort et ceci semble lui convenir au grand dam d...