Chapitre 4

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Deux semaines plus tard,

Je finis de ranger mon appartement car ma meilleure amie, Joy, est censée bientôt arriver. Etant de passage dans la région, elle vient me faire un petit bonjour ce qui n'est pas de refus puisque je ne l'ai pas vu depuis deux ou trois mois. Nous nous sommes connus sur les bancs de la faculté de lettres à Montréal, ville dans laquelle elle demeure toujours. Moi, j'étais repartie avec Matthew dans notre région natale ce qui n'était pas pour me déplaire car la ville et moi ça faisait deux. J'ai toujours eu besoin d'un endroit calme et reposant, et même si Saguenay était une ville, elle était de densité moyenne, rien à voir avec Montréal.
    Toutefois je suis un peu sur mes gardes, je l'adore mais elle est parfois un peu trop directe dans ses propos et quand on ne la connaît pas on peut vite être blessée ou devenir susceptible. Pour ma part, si elle évite le sujet Matthew, tout devrait bien se passer. Elle s'entend très bien avec Daniela et d'ailleurs il est prévu que l'on se voit toutes les trois pendant que Joy sera là.
    Je range la vaisselle à sa place et remets correctement mes cheveux en place quand on toque à ma porte, il aurait été plus simple de sonner mais bon c'est Joy à coup sûr. Je pars en direction de l'entrée où j'ouvre à peine la porte que l'on m'enlace.

« Je suis tellement heureuse de te revoir depuis tout ce temps », me dit-elle.

Je me dégage de son étreinte et lui sourit. Elle a changé sa coupe de cheveux et sa couleur également, Joy et ses expérimentations capillaires. C'est son coiffeur qui doit être content d'avoir carte blanche, elle ose tout et ne regrette jamais rien. Moi, je n'ose rien d'un point de vue capillaire, j'ai trop peur des ratés. Mes cheveux sont châtains depuis ma naissance et je compte bien qu'ils le restent.

« Ça te va vraiment bien, la félicitai-je en souriant.

— Tu as vu ?

— Difficile de ne pas voir », plaisantai-je

Elle me sourit tandis que je l'invite à prendre ses aises dans l'appartement. Ses cheveux légèrement rosés avec son teint halé lui vont tellement bien qu'ils ne font que traduire sa bonne santé .

« Tu veux boire quelque chose ?

— Je veux bien du café si tu en as, sinon je prendrais de l'eau ne t'embête pas !

— J'en ai fais tout à l'heure car je me doutais que tu allais m'en demander », lui souris-je

Je ne suis pas portée sur le thé et encore davantage pour le café. Le café je le trouve trop dur et amer, et le thé je le considère comme étant trop fade. Puis les deux sont très mauvais pour la santé, mais il m'arrive de prendre du thé et notamment après une gueule de bois. Je ne fais pas forcement attention à ce que je mange, mais je fais régulièrement attention à ce que je bois ce qui est totalement idiot. Surtout quand on sait qu'il m'arrive de boire beaucoup d'alcool comme lors de ma derrière soirée avec Daniela et son groupe d'amis. Amis que je n'ai toujours pas revenu, ne serait-ce que pour m'excuser d'avoir pu être virulente avec eux.

« Tu penses à quoi ? Tu n'as pas changé de ce côté-là !, s'exclama-t-elle en riant

— Je pensais à rien, je me demandais juste si j'avais branché la cafetière tout à l'heure »

Je pars dans la cuisine, puis dépose une tasse et un verre de jus de fruit sur un plateau. Je verse le café dans la tasse, puis repose le pot de la cafetière à son emplacement. Je ne sais pas comment elle peut l'ingurgiter sans sucre et sans avoir des maux de ventre par la suite. Matthew prenait, lui aussi, toujours un café le matin et c'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai une cafetière chez moi, qui était aussi chez lui quand j'y repense.
En arrivant dans le salon, je remarque qu'elle sourit un peu trop devant son écran de portable. Je devine qu'un garçon se cache certainement derrière ce sourire franc, si elle est amoureuse c'est une bonne chose vu son dernier copain, elle n'aura pas beaucoup de difficultés à trouver mieux.

« Comment il s'appelle ? », la taquinai-je

Je pose le plateau sur la table basse avant de m'assoir sur le canapé. Tout en lui tendant sa tasse, elle me regarde perplexe. Elle essaie de faire celle qui ne comprend pas où je voulais en venir, je ne la connais que trop bien. Se défiler à ce sujet est une de ses spécialités mais ce n'est pas avec moi que cela va fonctionner.

« Je ne vois vraiment pas de quoi tu parles !, se défendit-elle.

— Tu aurais pu me le dire. Je suis ta meilleure amie et je suis ravie que tu aies rencontré quelqu'un. J'espère juste qu'il est mieux que le précédent », souris-je.

Elle boit une gorgée de son café et demeure silencieuse. Soit je me suis faite des idées, soit je viens de la blesser en lui parlant de son ex-petit-ami.

« Il est mieux que le précédent et je pense même que tu pourrais t'entendre avec lui, mais il n'est absolument pas l'heure pour qu'il rencontre mon entourage, me dit-elle.

— Tu y vas en douceur si je comprends bien, devinai-je en buvant un peu de jus de fruit

— Exactement. Puis je ne voulais pas t'en parler car je sais que pour toi, depuis la mort de Matthew tu es sur la réserve d'un point de vue amoureux.

— Matthew ça ne regarde que moi ! Ce n'est pas parce que je ne me vois pas avec quelqu'un depuis trois ans que je suis incapable d'être heureuse quand tu me dis que tu sors avec un homme, lui précisai-je.

— Oui mais j'ai préféré te protéger en ne disant rien.

— Eh bien tu es une idiote », lui rétorquai-je.

Elle se met à rire avant de porter son attention sur le guéridon à côté du canapé et derrière mon dos. Je sais ce qu'elle regarde et non je ne compte pas retirer cette photo d'ici.

« C'était y a combien de temps sur la photo déjà ?

— Un an avant qu'il meurt. C'était lors de notre voyage en Egypte, lui répondis-je.

— Ah oui je m'en souviens maintenant, dit-elle en me souriant.

— Tu ne me dis pas de la retirer ?

— Tu es chez toi et tu fais ce que tu veux, puis tu connais déjà mon avis sur le sujet »

Je lui souris simplement avant de finir mon verre de jus de fruit. Au moins, elle ne cherche pas à me persuader de passer à autre chose même si elle en meurt d'envie et je le sais. Elle pose la tasse sur le plateau et finit par me demander comment se passe le travail. J'ai du lui dire que M. Harper me redonnait des romans à l'eau de rose en guise de lecture ce qui ne m'enthousiasmait pas outre mesure mais je ne pouvais pas refuser surtout quand on sait que pendant trois ans s'il s'est permis de ne pas m'en donner à lire.

« Une manière subtile de se dire qu'il est peut-être temps pour toi de continuer ta vie et de ne pas la laisser en suspend...

— Je ne la laisse pas en suspend, c'est juste que je n'ai pas envie d'avoir quelqu'un d'autre dans ma vie pour le moment », me justifiai-je

Elle me sourit de toutes ses dents mais reste dubitative sur ma réponse. Toute manière je n'ai pas de compte à lui rendre sur ma manière de vivre depuis l'accident de Matthew. Je repars dans la cuisine avec le plateau et lave machinalement la tasse et le verre avant de les laisser s'égoutter à côté de l'évier. En me retournant, je remarque que Joy se tient accouder sur l'entrebâillement de la porte, les bras croisés sous sa poitrine et les yeux rieurs. Elle sait que j'ai fait cela pour éviter le sujet sensible. J'essuie mes mains et pose le torchon sur le plan de travail avant de la suivre vers le salon où nous avons continué de raconter les derniers potins sur les gens que nous avions en commun. Les pauvres, les oreilles ont dû sifflé pour eux.

L'iris bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant