Partie 1/3
Dean Leblanc expérimentait la quintessence de l'impuissance. Jamais situation ne l'avait autant démuni. Rudy était inapaisable. Impossible de calmer sa peur panique. Tenter de le maîtriser avait aggravé les choses. Rudy avait hurlé, rué, mordu, s'était débattu comme un diablotin contre les infirmiers et le médecin qui essayaient de le sédater. Son fils luttait pour sa vie. Au sens le plus littéral.
Quelle idée aussi d'avoir recouru à la force ! En outre, Rudy ne laisserait plus personne le droguer. Bilan : exacerbation du syndrome dissociatif. Tout le corps médical s'était changé en ennemis. Pour s'enfuir, Rudy avait tenté de briser la fenêtre de sa chambre avec la potence à perfusion. Dean le lui avait arraché des mains, tandis qu'il menaçait l'un des infirmiers venus en renfort avec sa nouvelle arme.
Les épisodes de violence s'entrecoupaient d'accalmies. Cependant, ces dernières ne signifiaient pas que Rudy reprenait ses esprits. Sa vigilance aigüe et paradoxale restait au beau fixe. « Hypervigilance », avait dit Frank Cullen, l'infirmier-psychiatre. Malgré son agitation et le débordement de ses émotions, Rudy ne présentait pas de fatigue. Cullen l'avait assimilé à la réaction d'un soldat en plein flashback sur le champ de bataille. Il ne se relâcherait que lorsqu'il s'estimerait hors de danger.
Voilà plus d'une heure que le danger durait. La crise s'alimentait de la conscience de « présence étrangère ». Entendre par étranger toute personne n'étant pas Dean.
— Ils sont là, gémit Rudy, au bord des larmes.
Dean aussi flirtait au bord de cette falaise lacrymale.
— Il n'y a que nous deux, fiston.
— Tu ne les vois peut-être pas, mais je sais qu'ils sont là dehors.
Il en était absolument convaincu. Le couloir avait été interdit aux visiteurs. Vince, Dan, Natasha et Red, enfin soustrait aux fans. Son retour avait provoqué un tollé. Rudy lui avait hurlé de disparaître, non sans le traiter de stupide, d'inconscient et de noms d'oiseaux. Le tableau avait été douloureux à voir, pour Dean, entre l'incompréhension et la peine de son amant, la colère de son fils, l'irritation des membres de sa famille et l'agacement du corps médical. Le cœur de Dean s'était serré pour Red, désormais seul contre tous. Il n'avait pas pu prendre sa défense, sollicité par un fils qui le vilipendait pour ses promesses non tenues.
Toute visite avait été annulée après l'incident. L'appel de Rey avait été éconduit. Le Dr Vermeer exerçait son autorité médicale et n'autorisait plus la moindre interférence.
À l'arrivée de Dean, Rudy s'était d'abord jeté dans ses bras puis réfugié dans son dos. Il fuyait quatre individus violents, dont trois personnifiés par Vince, Vermeer et Cullen. Le quatrième se cachait, armé d'un Taser. À sa manière de s'accrocher à la veste de son père et à ses tremblements, il ne faisait aucun doute : Rudy ne se trouvait plus à Balmer mais à Nior, la nuit du réveillon de Noël.
Et il redoutait la suite. Tellement, qu'il l'avait décrite à Dean comme s'il le vivait. L'impuissance, l'emprisonnement dans son propre corps après une décharge horrible dans le bas du dos, l'impossibilité d'appeler à l'aide en étant conscient d'être enlevé. Savoir la proximité relative des gens qui le connaissaient et se révéler incapable de manifester sa détresse, d'appeler au secours, était terrifiant.
Dean avait dû lui expliquer qu'il s'en souvenait justement parce que la scène s'était déroulée au passé et était donc terminée. Son erreur. La terreur avait cédé à une ire hystérique. Rudy avait pointé du doigt ses manquements, ses mensonges, ses absences, ses décisions arbitraires, son égoïsme. Chaque dague s'était plantée en profondeur dans le cœur paternel. Red était arrivée à ce moment-là pour essuyer la seconde salve.
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HOT CHILI - saison 6 ✤ volume 1/2
Romance. Pour le clan Leblanc, folie des grandeurs est raison. Est-ce acte de folie ou résolution raisonnable quand un Leblanc menace un empire de déclin ? Déterminé à exploiter la vulnérabilité de sa puissante famille qu'il juge coupable da...