Partie 3/4
— Rudy, tes chaussons ! gronda une voix réprobatrice.
Il ne tint pas compte de la réprimande paternelle. Bill remercia le soutien de la limousine quand le jeune homme se jeta sur lui. L'étreinte se resserra comme Rudy se mettait sur la pointe des pieds pour être à sa hauteur. Dans un état second, Bill osa à peine refermer ses bras dans le dos de son ami.
— Dis-moi que je ne vais pas me réveiller, chuchota-t-il, la peur au ventre.
Il craignait d'ouvrir les yeux dans son lit et réaliser que tout ceci n'avait été qu'une invention de son esprit. Il y a deux heures, il se trouvait dans son studio. Le voilà à des kilomètres de chez lui, dans une propriété énorme, dans les bras d'une personne qu'il n'avait plus vu depuis deux semaines. Or il jurerait que plusieurs années les avaient séparés.
— Non, tu ne rêves pas, dit Rudy.
Bill n'y crut pas. Même dans ses rêves, la voix de Rudy restait criante de vérité.
— Tu ne vas pas disparaître si je te serre fort, hein ? supplia-t-il.
— Pourquoi ? s'enquit Rudy sans desserrer ses bras.
— Parce que c'est toujours quand je te serre fort contre moi que tu t'évapores. Le rêve devient un cauchemar, et je me réveille.
Sa voix se brisa. Rudy eut mal au cœur. Il n'avait jamais entendu Bill pleurer. Cela lui était presque inconcevable que ce garçon facétieux ait jamais pleuré un jour. Il ne fut pas le seul à le penser. Bill n'avait pas versé de larmes à l'annonce officielle de la disparition de Rudy. Il s'était plongé dans un mutisme inquiétant, au point de désespérer ses proches. Durant trois jours, il n'avait pas ouvert la bouche.
Marine avait dû prendre les choses en main pour le retour à Saunes. Elle l'avait materné, s'était assurée de son alimentation, l'avait même exhorté à pleurer. Elle, avait pleuré. La situation n'avait pas changé, mais elle serait devenue folle si elle avait contenu cette peine toxique. Bill n'avait rien exprimé. De quoi effrayer, de la part d'un jeune homme si expressif. Il avait recommencé à répondre par monosyllabe en voyant l'ambiance de deuil à la maison. Son for intérieur s'était révolté contre l'idée des funérailles de son ami, aussi avait-il peu à peu renoué avec la parole.
Le premier jour de son retour de Nior, Nola avait refusé de le laisser dormir seul. Puis il avait préféré la présence de Marine à celle étouffante de sa famille. Sa petite-copine se contentait d'être là et de partager sa douleur en silence. Mais il lui avait tu ses cauchemars. Elle le découvrait comme tous les autres ce soir-là.
— Tu ne rêves pas, Billy, le rassura Rudy. C'est moi. C'est bien moi. Tu sens ?
Il saisit la main de son ami et la posa contre sa joue. Bill se mordit la lèvre pour ne pas pleurer. Mais ses yeux brûlants attendaient qu'il les soulage. Le sourire de Rudy lui autorisa enfin à verser ses larmes. Il céda, dans une accolade étouffante.
— Tu m'asphyxies, abruti.
— Moi aussi je t'aime, Rudy.
Rudy cilla. La déclaration le perçait en plein cœur. Il se demanda si l'on ressentait cette émotion lorsqu'on avait un frère. Il refusa de donner dans la boutade.
— Tu m'as manqué, Bill.
— Nous aussi on peut ?
Le trémolo de Marine la trahit. Ses larmes appelèrent celles de Rudy.
— Mais oui. Venez-là.
— Je ne veux pas de câlin collectif, je le veux à moi tout seul, grommela Darel.
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HOT CHILI - saison 6 ✤ volume 1/2
Romance. Pour le clan Leblanc, folie des grandeurs est raison. Est-ce acte de folie ou résolution raisonnable quand un Leblanc menace un empire de déclin ? Déterminé à exploiter la vulnérabilité de sa puissante famille qu'il juge coupable da...