S06 - EP 30 ✤ part II

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Partie 2/3

— Est-ce une déclaration de guerre ? osa une audacieuse.

— Je l'ignore, ironisa Rudy. Ce que je sais, en revanche, c'est qu'aujourd'hui, la situation est telle qu'elle m'empêche de surmonter l'épreuve que j'ai subie. Selon vous, son statut de star lui interdisait d'être sur les lieux... Vous savez...

Il marqua une pause, cherchant ses mots. Ses traits s'assombrirent.

— C'est traumatisant de vivre cloîtré dans une maison avec son bourreau dans la pièce voisine.

Son absence de transition eut l'effet escompté et mit la salle sur le qui-vive. Ces vautours brûlaient d'envie de le questionner sur sa séquestration, mais la première question leur refuserait ce sésame. Ils attendaient, priaient sans doute, qu'il leur livre sa version.

— C'est... horrible, poursuivit Rudy, la voix basse. Vous n'avez pas idée de ce qu'on ressent, quand votre séquestreur vous retient depuis le réveillon de Noël et vous fait entendre la voix de votre père au réveillon du nouvel an. Et raccroche juste avant que vous n'ayez eu le temps de hurler son nom ou à l'aide.

Un silence de plomb s'abattit sur l'auditoire. À la table, les camarades de Rudy le dévisageaient, troublés. Il déglutit lorsqu'il nota que les micros amplifiaient les émotions trahies par sa voix. Il s'était cru capable d'en parler sans trop de difficultés. Mais il y avait une sacrée différence entre discuter avec Ilona et s'adresser à des inconnus qui beurreraient leurs choux avec son drame.

— Quand quelqu'un joue avec vos émotions, quand il manipule sciemment le peu d'espoir auquel vous vous raccrochez pour ne pas craquer mentalement, vous saisissez la moindre bouée à votre portée, reprit-il d'un ton rauque. Ma bouée a été la voix de Red Kellin. Ses chansons. Dans mon malheur, j'ai eu la « chance » de me faire kidnapper par un Holy Sucker !

Son rire jaune se réverbéra sur les murs de la grande salle, et au-delà. Devant les postes téléviseurs diffusant le JT de 13 h du Canal 3, nombre de téléspectateurs ressentirent l'amertume de ce rire jaunâtre. Rudy haussa les épaules.

— Au moins, c'était une voix que je connaissais. Celle d'Andy. Il y a des gens qui sont séquestrés durant des mois, des années, sans espoir de retrouver ou d'entendre les leurs. Moi, je pouvais encore me raccrocher à cette voix. Ça peut paraître dérisoire, mais...

Il ne termina pas sa phrase. Qu'ils spéculent donc. À la place, il révéla une vérité qu'il était en droit de garder pour lui :

— Il y a trois jours, mon père a dû me chanter une chanson des Beat'ONE pour me sortir d'une crise de dépersonnalisation, alors que j'étais à l'hôpital. Vous savez ce que c'est ?

La question semblait rhétorique mais tous attendaient les détails morbides. Rudy ne se fit pas prier.

— C'est un genre de cochonnerie post-traumatique qu'on se coltine quand on a été confronté à une agression très violente. Surtout sur le plan émotionnel. Le genre de réaction qui vous fait revivre votre agression, alors que vous êtes en sécurité auprès de votre famille. Inconsciemment, vous superposez un proche ou un parfait inconnu sur votre agresseur, tellement vous êtes déconnecté de la réalité. Et ça se produit à cause d'un stimulus ridicule, mais qui vous évoque de manière trop fidèle vos moments de captivité. En gros, c'est pas beau à voir, renifla-t-il. Et c'est dur à vivre pour les gens autour de vous, pour ceux qui vous aiment.

Rudy attendit de rassembler ses forces avant de poursuivre. Le parterre de journalistes respecta son silence.

— J'ai été enlevé alors que mes amis, ma grand-mère, mon parrain et mon père se trouvaient dans le secteur... J'en avais conscience. J'ai été enfermé dans une grande maison aux portes et aux fenêtres ouvertes. Et j'en avais conscience. Si, si, ajouta-t-il pour les froncements de sourcils.

HOT CHILI - saison 6 ✤ volume 1/2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant