Partie 2/4
Sa combinaison faisant foi, le pilote les considéra avec humeur. Malgré la distance, Red nota la qualité professionnelle de sa mise. Peu désireux de montrer son opinion sur l'accueil du gueulard, il remit ses lunettes de soleil. Konstantin – Kostia de son petit nom –, grommela une insulte inintelligible, puis éleva la voix :
— Je fais mon job ! Si chacun pouvait se cantonner au sien, ça faciliterait la vie à tout le monde.
— Pardon ?
— Qu'est-ce qu'il se passe, Kostia ? leur parvint une voix bourrue.
Muni d'une clé à pipe, un barbu d'une rousseur rouille et grisonnante, engoncé dans un T-Shirt près du corps et un jean brut tâché de cambouis, quitta le couvert du chapiteau. Sa seule concession à l'hiver : une chapka en fourrure synthétique. Ce spécimen méprisait le froid, conclut Red en bon frileux.
— On a deux clients qui veulent tester les limites de leur cœur, monsieur, répondit Konstantin, un brin ironique.
— T'es pourtant au courant qu'on ne reçoit personne ! gronda le pilote. Et quand je dis personne, c'est « personne » !
— C'est bon, Pavel, s'impatienta Barbu. (Il vint à leur rencontre, le pilote sur ses pas.) De qui s'agit-il ?
Avant qu'ils arrivent à leur niveau, Konstantin chuchota à Red et Dean :
— Le barbu, c'est mon patron. L'excité, mon frangin. Trente-sept courses dont dix championnats, vingt-et-un podiums dont huit victoires nationales, une mondiale, et un ego plus grand que l'Everest.
— Je me disais aussi que ce python rocheux qui me barrait la vue ressemblait fort à un ego mal placé, lâcha Dean, pince-sans-rire.
Red se détourna pour pouffer. Konstantin se racla la gorge. Ce sarcasme était poilant quand il ne le ciblait pas. Il pria que son aîné ne commette pas d'impair. Ce Leblanc pourrait mettre un terme à son palmarès, s'il le prenait en grippe. Pavel Kornick avait une réputation à défendre mais n'était pas réputé pour ses lumières. Même si personne n'osait le lui dire. Dean se présenta avant que Konstantin ne l'introduise.
— Dean Leblanc.
Il serra la pince du barbu avec une poigne qui fit honneur à sa carrure. Ce dernier la soutint sans s'émouvoir, après avoir essuyé une trace d'huile sur le jean hors de prix qui galbait ses poteaux. Red retint une grimace. Pauvre Levi's rétrogradé au rang de bleu de travail. Quoique, tel fût sa vocation à l'origine.
Pavel tiqua à l'énoncée du patronyme « ô so white ». L'effet fugace céda à une lueur d'intérêt lorsqu'il identifia enfin la rockstar. Red aurait pu la lui retourner. Maintenant qu'il l'associait à un visage, le nom Pavel Kornick pinçait une légère corde de ressouvenir. Mais la note restait tenue. Ce patronyme avait dû côtoyer celui de son père. Probablement. Il avait verrouillé le coffre à réminiscences pour ne pas trop souffrir du manque.
Red ravala un soupir. Autant la curiosité muette de Konstantin ne l'avait pas importuné – l'homme avait un abord sympathique malgré un dérapage –, autant chez son frère, elle sentait les emmerdes. De manière instinctive, le flair de Red lui soufflait que Pavel Kornick siégeait au Grand Conseil des Cons.
— Shaquil O'Ryner, se présenta Barbu.
Red sourcilla. Non parce qu'il rencontrait sans doute le proprio du circuit ou un membre de sa famille. Le nom Shaquil O'Ryner avait une musique familière.
— Quelles modalités doit-on remplir pour détruire gentiment les pneus d'une Pagani sur votre superbe piste, Mr O'Ryner ? demanda Dean. À moins que vous nous conseilliez « gentiment » d'aller voir ailleurs.
VOUS LISEZ
HOT CHILI - saison 6 ✤ volume 1/2
Romance. Pour le clan Leblanc, folie des grandeurs est raison. Est-ce acte de folie ou résolution raisonnable quand un Leblanc menace un empire de déclin ? Déterminé à exploiter la vulnérabilité de sa puissante famille qu'il juge coupable da...