Partie 2/3
Mira n'était pas une fille. Juste un garçon qui adorait les poney roses et parme. Le soir de la découverte, Farah gérait une grosse crise de larmes. Elle en voulut un peu à la mère de Mira d'avoir gentiment ri de leur méprise. Yae-Rin était nouvelle ; pas encore au fait des ragots. C'était curieux de débarquer en fin d'année, mais son fils avait eu quelques difficultés d'intégration dans son ancienne maternelle. On lui avait conseillé cet établissement. Farah rirait presque de l'ironie. Pas de pot, Mira s'acoquinait le pestiféré ! Mais cela expliquait que Junior se soit trouvé une « copine ».
— Pourquoi tu as cru que c'était une fille ? C'est flagrant que c'est un garçon !
Peut-être qu'à cet âge, ils avaient encore du mal avec la question des genres, se ravisa-t-elle. Le petit métis asiatique portait ses cheveux longs jusque dans le dos et un prénom de fille (à moins qu'il soit masculin dans la culture d'origine de sa mère, pour ce qu'elle en savait...). Greffez sur des traits poupins une imagination infantile, et lui attribuer un sexe féminin tombait sous le sens.
— Mais elle... Il... il joue parfois à la poupée à la récréation ! l'accusa Junior. Même qu'elle... qu'il me les a montrés, ses poneys roses !
— Oh, fit Farah, ravie de l'entendre parler. Tu sais... ce n'est pas interdit aux garçons de jouer à la poupée ou aux poneys. Ça reste un jouet.
— Pour les filles !
— C'est pas écrit sur la boîte, Junior.
— Alors pourquoi tu m'achètes pas des poupées ?
Bonne question.
— Mais tu as l'air de préférer les voitures, donc je t'achète ce que tu préfères. Si un jour tu veux une poupée, il suffit de demander, je t'en offre une.
Elle tentait de rattraper la casse. Elle aussi avait songé que le cadeau de Junior se destinait forcément à une fille. Yae-Rin n'avait pas eu l'air offusquée que son fils offre un poney rose au sien. Elle l'avait surprise avec son commentaire.
— Pourquoi étouffer sa personnalité et sa sensibilité ? Sur quelle base décrète-t-on que les garçons ne doivent pas aimer les choses mignonnes ?
Farah se demandait si cette « sensibilité » du petit métis n'était pas responsable de ses difficultés d'intégration dans son ancien établissement maternel. La réponse de Junior corrobora ses spéculations :
— Elle... il m'a demandé de ne pas cafter à la maîtresse et aux autres. Et j'ai dit que je n'allais pas le faire. Parce que j'étais sûr que les autres allaient se moquer. C'était normal, non ?
— Oui, mon bébé. Tu as bien fait. Maman est fière de toi.
Mais maman se sentait impuissante face aux larmes. Elles ne tarissaient pas.
— Je croyais que c'était une fille qui s'habillait comme un garçon. Je trouvais ça mignon, ce décalage, parce qu'elle est... il... il est super fort au judo !
Le pauvre luttait avec le choix des prénoms. Après avoir attribué « elle » à Mira, il devait mettre à jour ses archives, réécrire tous ses souvenirs au masculin. Farah compatit. Mais s'il avait fallu un tel choc pour le sortir de son mutisme, peut-être bénirait-elle Mira.
— Je lui ai même demandé pourquoi elle... il ne portait pas de jolies robes, ou des jupes avec des collants colorés comme les autres filles... et... et... elle... i-il m'a menti ! Je ne suis plus son ami !
— Oh, mon bébé !
C'était la diatribe la plus longue que son fils lui ait servie en un an et demi. Impressionnée, elle tombait en plus des nues : son fils s'exprimait couramment. Farah avait commencé à craindre une tare, un trouble régressif ou un retard, mais son garçon n'avait jamais cessé de s'éveiller, malgré son refus de s'exprimer avec des mots.
VOUS LISEZ
HOT CHILI - saison 6 ✤ volume 1/2
Romance. Pour le clan Leblanc, folie des grandeurs est raison. Est-ce acte de folie ou résolution raisonnable quand un Leblanc menace un empire de déclin ? Déterminé à exploiter la vulnérabilité de sa puissante famille qu'il juge coupable da...