Je m'empressai de ranger mon mécontentement et me montrai sous mon plus beau jour lorsque nous entrâmes dans le jardin d'enfants... désert.
Maman s'installa sur un banc avec sa couture et me permit d'aller jouer.
Mon jeu préféré, c'était le tourniquet.
Si Papa avait été là, il m'aurait portée, posée sur le tourniquet et l'aurait actionné ; moi, je n'aurais eu qu'à rester assise comme sur un manège.
Maman ne faisait rien de tout ça. Elle restait assise sur son banc, avec sa couture et me disait :
« Débrouille-toi ! »
C'était pas facile. Je m'efforçais de courir pour le faire tourner et dès que je m'asseyais dessus, mon poids l'arrêtait.
« Ça te fait faire un peu d'exercice »
disait Maman.
Je n'étais pas d'une nature sportive.
Finalement, j'étais assise sur le tourniquet immobile quand un garçon et une dame entrèrent dans le jardin. La dame s'assit sur un banc. Le garçon accourut vers moi en riant et posa ses mains sur le tourniquet, juste à côté de moi.
Moi, je le trouvais beau. Il n'était sûrement pas aussi fort que mon papa mais il avait l'air tout disposé à actionner le tourniquet.
À ce moment-là, il advint... comme d'habitude. Ce n'est pas facile de décrire l'habitude parce qu'on y est modelé depuis tout bébé, depuis bien avant qu'on ne soit capable de réfléchir à ce qui se passe.
Alors que, grâce au jeu du tourniquet, j'étais sur le point de me faire un ami, je perçus comme un frein à l'intérieur de moi, un drôle de pressentiment.
Je regardai Maman pour être sûre : oui, elle faisait les gros yeux ; ça voulait dire que je n'avais pas le droit de jouer avec le garçon.
Pourquoi ? Comment ça se faisait que ça se passait toujours comme ça ? Qu'est-ce que j'avais fait de mal ?
Je quittai le tourniquet et le garçon pour retourner auprès de Maman et lui demander une explication.
Quand j'arrivai devant elle, son regard était redevenu tranquille. Elle jeta un coup d'œil furtif sur les gens qui étaient assis sur les bancs, de part et d'autre du jardin et me demanda d'une voix forte et doucereuse :
« Tu veux pas jouer avec le petit garçon ?
- J'ai le droit ? »
demandai-je timidement.
Ma mère baissa la tête vers moi pour me faire les gros yeux avant de trancher d'un ton brusque :
« Non, ben si tu veux pas, t'es pas obligée. »
Les gros yeux, c'est quand il faut obéir sans explication. Tout ce que je savais, c'est qu'à la question « j'ai le droit ? », la réponse avait été « non » suivi d'un édulcorant.
Il me fallut donc passer mon après-midi à m'ennuyer, assise sans bouger à côté de la maman méchante, regardant tristement les enfants jouer sur le tourniquet.
Lorsque l'après-midi s'acheva et que nous sortîmes du parc, je pus dire à nouveau ce que j'avais sur le cœur, dire les choses exactement comme elles s'étaient passées, dire que je n'étais pas contente.
Maman s'en fichait dès lors qu'il n'y avait plus de témoins. Elle me répondit seulement :
« Oui, et alors ? Dépêche-toi ! Tes frère et sœur vont attendre leur goûter. »
Pire ! le soir, à la maison, Maman raconta à tout le monde que je n'avais pas voulu jouer avec le garçon parce que j'étais sauvage. Tout le monde la crut, même moi !
Oui parce que, moi, j'étais trop petite pour avoir raison.
Y a que Nani qui était gentille. Elle me dit :
« Si tu as besoin de prendre un adulte à témoin, tourne-toi vers celui que tu deviendras quand tu seras grande ! Il est là pour toi : c'est ton ange gardien. Embauche-le à ton service !
- Comment ça, "il est là pour moi" ? je vois personne devant moi. L'adulte que je deviendrai plus tard n'existe pas encore. Comment est-ce qu'il (ou plutôt elle) pourrait m'aider ?
- Si un problème te tracasse, range-le dans un coin de ta mémoire en imaginant que tu le transmets à l'adulte que tu deviendras... et puis n'y pense plus ! Aie confiance en ton ange gardien ! »
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DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Non-FictionPremière partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?