Nous nous regardâmes dans les yeux un court instant et je vis son regard dériver vers le monstre qui me poursuivait.
Pris de panique, le garçon cria éperdument :
« Ça sert à rien de courir ! C'est un cauchemar ! Il te rattrapera jamais. »
Ben heureusement encore ! Je ne courais pas pour être rattrapée.
Ça, c'est bien les garçons. Qu'est-ce qu'il croyait ? Que j'étais un enfant intrépide et désobéissant poursuivi par un gentil papa ? Et qu'une fois que j'aurais été rattrapée, j'aurais, au pire, reçu une petite correction et tout aurait été terminé : la peur se serait évanouie ? Ou bien était-ce ce qu'il voulait croire pour se rassurer ?
J'étais une petite fille sage et obéissante et ce n'était pas mon père qui me poursuivait ; c'était un monstre de cauchemar. C'était il. Même si l'angoisse devait durer aussi longtemps que la fuite, il ne fallait pas que je me rendisse ; il ne fallait pas que le monstre s'emparât de moi. Jamais ! Même si je ne voyais pas l'issue, il fallait que je tinsse bon jusqu'au bout.
Toutefois, il y avait quelque chose de pas bête dans ce que le garçon venait de dire : puisque le monstre restait invariablement à un mètre derrière moi, que je courusse vite ou lentement, je pouvais m'offrir le luxe de ralentir ; je pouvais tout aussi bien marcher. Prudemment, insensiblement, je me risquai à transformer ma course en marche. Il s'avéra alors que le monstre restait toujours à un mètre derrière moi. C'était l'image du rêve qui était faite comme ça ; même si je marchais doucement, tout doucement.
Je m'arrêtai carrément, me retournai, regardai le monstre en face et vis que c'était un homme.
« Cours ! Le laisse pas t'attraper ! »
cria le garçon affolé (ou peut-être un peu jaloux de ma réussite !)
Influencée, je me remis à courir. Finalement, il ne m'aidait pas tant que ça, ce garçon. Il me criait blanc, il me criait noir ; il me communiquait sa peur. Je me sentis faiblir et perdre le contrôle. Il ne me restait plus qu'à me raccrocher à mon unique argument de défense :
« Ça s'p... »
C'est alors que j'entendis, derrière moi, la voix me souffler à l'oreille, comme au commencement du cauchemar :
« C'est moi qui dois gagner. Sinon... »
Et là, le rêve mélangea les deux propositions, me faisant dire malgré moi :
« C'est moi qui dois gagner sinon ça s'peut pas. »
Toujours à la même place, dans le ciel, au-dessus de la chaîne de montagnes, le garçon aux boucles blondes, malade de terreur, répéta toutes ses répliques dans le désordre. C'en était incohérent. De par ce que je venais de dire, j'avais pris pour moi tout le pouvoir de vaincre et le garçon n'en avait plus du tout. Il ne fallait même pas que je l'écoutasse, tant ses conseils étaient mauvais.
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DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Non-FictionPremière partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?