À l'école, ce n'est pas l'amour qui règne.
À l'école, il est fréquent que deux enfants, frères ou amis, soient séparés dans deux classes différentes. Même si deux enfants de la même classe lient amitié, il est encore à craindre que l'école les sépare lors de l'année scolaire suivante ; même si aucun des deux ne redouble. On ne leur demande même pas leur avis. L'école ne tient pas compte des sentiments ; Elle s'en fiche.
À l'école, en principe, les enfants ont le droit de jouer dans la cour de récréation. Le problème, c'est que moi, je n'ai jamais fait cette expérience. Hors de l'école, je passais mon temps à jouer, spontanément, naturellement, sans jamais me demander ni pourquoi ni comment. À l'école, dans la cour de récréation, un étrange blocage me rendait la chose impossible. C'était toujours quand je rentrais dans la classe que je sentais enfin rejaillir en moi le sens du jeu. Alors, il fallait que je m'en abstinsse et que je laissasse la maîtresse me soumettre au travail. Travailler, c'est jouer, sans désir ni plaisir, à un jeu dont on a été dégoûté par la surdose et la réprimande.
À l'école, les enfants sont regroupés dans une même classe sans qu'il ne soit plus tenu compte de leurs centres d'intérêt que de leurs affinités. Du coup, en classe, c'est souvent qu'on doit perdre son temps à écouter la maîtresse enseigner des choses par lesquelles on ne se sent pas concerné : ce sont les centres d'intérêt du voisin ; il en faut pour tout le monde. Il faut donc attendre sagement que son tour revienne. En plus, ce ne sont pas les enfants qui décident quelles sont les connaissances qu'ils découvrent et quelles sont celles qu'ils laissent dans l'ignorance. Un « programme scolaire » décrété par des étrangers est imposé aux enfants. De fait, à l'école, on doit perdre des jours, des mois, des années entières à attendre, assis sans bouger, que ce fichu « programme scolaire » intègre enfin des connaissances dont on a besoin.
Alors que j'étais assise sans bouger parce que c'était la classe, ma maîtresse du cours préparatoire - elle était gentille - me demanda de répéter ce qu'elle venait d'expliquer au tableau.
« Je sais pas, dis-je.
- Bon. Je réexplique. »
Quelques minutes passèrent, puis la maîtresse me sortit de nouveau de ma rêverie en m'appelant :
« Angélique ! As-tu compris, cette fois ?
- Euh... non.
- Alors, je recommence mon explication. »
Je m'empressai de lever le doigt.
« Oui, Angélique ?
- Faut pas vous embêter à expliquer pour moi. De toute façon, j'écoute pas : ça m'intéresse pas.
- Ça ne t'intéresse pas ? Voyez-vous ça ! Tu as le droit de ne pas être intéressée par ce que je dis mais, moi, je suis payée pour te l'expliquer jusqu'à ce que tu aies compris. Je recommence donc. »
Quelques minutes passèrent, puis la maîtresse me sortit de nouveau de ma rêverie en m'appelant :
« Angélique ! As-tu compris, cette fois ? »
Pauvre maîtresse ! Ses propos ne me captivaient absolument pas. Si je disais la vérité, je la condamnais à recommencer perpétuellement et vainement une explication que je n'écoutais même pas, dont je n'avais rien à faire.
Du coup, je répondis :
« Oui. »
et elle passa à autre chose.
C'est débile, l'école !
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