IX 15 - Une montre d'homme

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Et maintenant, voilà que mes pensées me renvoyaient l'image d'un homme sortant de derrière le secrétaire, d'un pas sur le côté. N'importe quoi !

« S'il voit qu'il n'a pas d'issue, l'homme finit par se montrer et dire : " oui, bon, voilà, je suis là... " »

Et je voyais cette scène (de l'homme qui sort de derrière le secrétaire d'un pas sur le côté) se répéter, se répéter encore en mon esprit. En plus, si j'entendais la même voix que dans mon cauchemar, l'homme que je voyais là n'avait pas du tout la même tête. Alors, vraiment, n'importe quoi !

« L'homme prend ses décisions et il agit. L'homme assume ses responsabilités, affronte la réalité. L'homme négocie avec l'adversaire ; l'homme cherche un terrain d'entente.

- Quoi ?! »

Qu'est-ce que c'étaient que ces mots qui me passaient par la tête, ce ton si déterminé, si masculin, si adulte ? Ce n'était pas de moi, ça ! C'était comme si je voyais mon reflet dans le miroir faire des gestes que je ne faisais pas.

Je me raidis dans mon lit et fermai les yeux.

Ma peur, cette fois, fut éphémère car, tout compte fait, cet homme-là n'était pas menaçant. Mais alors, que me voulait-il ?

Prudemment, j'ouvris les yeux et tournai la tête à gauche. Au fond de la pièce, à hauteur de mes bâtiments de ferme, je vis l'homme assis sur une chaise. Je clignai des yeux mais l'image n'en fut que plus nette. Je savais que ce n'étaient pas mes yeux qui le voyaient, puisqu'il n'était pas matériel, mais l'illusion était parfaite. Surtout, cette montre à son poignet...

J'aurais dit qu'il devait avoir à peu près la trentaine ou la quarantaine. Une montre d'homme en argent (ou en or blanc) dépassait de la manche de son costume bleu-gris. Il était assis sur une chaise de la maison, à l'américaine, c'est-à-dire à l'envers, à califourchon, les bras appuyés sur le dossier devant lui ; ce qui mettait sa montre en avant de sa personne, sa montre d'homme.

Assis de cette manière, décontracté, il me regardait calmement, patiemment. De fait, le regarder me rendait de plus en plus calme et paisible. Je n'avais plus peur. Non. Je me sentais protégée par cette présence.

Alors me revint à l'esprit la voix qui était dans mon cauchemar, celle qui disait tout le temps : « Réfléchis ! » ; et tous les conseils, toutes les explications que j'avais entendus derrière moi quand j'étais sur le terrain de course... je ne m'en serais jamais sortie, sinon.

C'était à se demander si ce n'était pas un adulte réel qui était venu à ma rescousse dans mon cauchemar. Même, après, depuis que je m'étais réveillée, on aurait dit qu'il était resté là tout le temps, à m'aider à penser ; à attendre, tout ce temps, que je fusse en mesure de le regarder et de le voir. Le fait est que je le voyais là presque aussi distinctement que ce que je voyais en plein jour.

Du coup, j'en ouvris la bouche et demandai à voix haute :

« Vous êtes mon ami ? »

L'apparition cessa immédiatement et je me rendormis aussitôt.

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