« Ça t'est jamais arrivé de rêver que t'étais poursuivie par un monstre ? Alors, tu cours, tu cours mais plus tu avances, plus tes pieds s'enfoncent dans le sol et tu as du mal à les soulever. Alors, tu cours au ralenti et le monstre est juste derrière toi, prêt à t'attraper. Alors, tu voudrais crier, appeler au secours mais aucun son ne sort de ta gorge. Ça t'est jamais arrivé ?
- Ben non, jamais. Pourquoi, ça aurait dû ?
- Euh, non mais, toutes les deux, on a fait exactement ce même cauchemar, quand on était petites. Alors, on se demandait si toi aussi. »
me dirent Maman et Nani, un soir, avant d'aller me coucher. Charmant !
« On t'a pas dit ça pour te faire peur. Tu veux dormir dans la chambre à Nani ?
- Non, non. Ça va. J'me sens pas avoir peur mais y a un truc qui me paraît bizarre, dans votre histoire : si on est tout seul dans ses rêves, à quoi ça sert d'appeler au secours ?... »
En ce temps-là, quand quelqu'un mourait, la personne avec qui il était marié était condamnée à porter le deuil tout le reste de sa vie. C'est pour ça qu'on voyait tout le temps plein de vieux et de vieilles tous de noir vêtus. Drôle de spectacle ! On ne pouvait pas faire un pas dans la rue sans que la mort se rappelât ainsi au souvenir du vivant.
Il y avait une locataire comme ça, dans l'immeuble, au premier étage. Elle me faisait penser à la vieille dame de Babar : une petite vieille gentille, longiligne, avec des habits noirs et un chignon blanc.
Une nuit, je rêvai d'elle.
Elle était désemparée : il allait bientôt venir la chercher. Il avait déjà emporté son mari. C'était lui aussi qui avait emporté mon Pépère.
« Pépère a pas été assassiné. Il est mort parce qu'il était vieux. »
objectai-je.
La vieille dame me demanda de l'écouter sans l'interrompre. Elle avait l'air si affolé qu'on aurait dit qu'elle était dans un cauchemar. Alors que moi, ça allait : je ne sentais aucune impression de cauchemar dans mon rêve.
Elle admit que Pépère n'avait pas été assassiné... au sens où l'entendent les mortels. Il est un monstre terrible qui emporte les êtres vivants de cette terre dans le monde invisible ; une puissance surnaturelle qu'elle ne voulait pas nommer. Il avait déjà emporté son mari. C'était lui aussi qui avait emporté mon Pépère. Son tour - à elle - était pour bientôt. Elle le savait.
Elle ne pouvait pas lui échapper parce qu'elle avait commis le mal toute sa vie. Pourtant, elle était gentille. Toute sa vie, elle avait voulu faire le bien. Toute sa vie, elle avait accepté de nombreux sacrifices au nom de ce qu'elle avait cru être le bien mais elle s'était trompée. Elle s'était trompée parce que, toute sa vie, il l'avait aveuglée pour lui faire confondre le bien et le mal.
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DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Non-FictionPremière partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?