En effet, il y eut un sacré changement, à l'école. Il s'appelait Anne, avait des cheveux bruns, un sourire entouré de fossettes, une voix nasillarde et... c'était plutôt elle que il. Elle était nouvelle dans la classe ; elle venait d'une autre école.
Avant les vacances de Pâques, la maîtresse avait été prévenue de son arrivée mais elle n'avait pas jugé utile de nous en informer. En plus, c'était la première fois qu'il y avait une nouvelle parmi nous. Je ne m'y étais vraiment pas attendu. Du coup, le matin, en classe, c'était plus fort que moi : je n'arrêtais pas de tourner la tête pour la regarder.
Il sembla que je n'eusse pas été la seule à réagir ainsi parce que la maîtresse se mit soudain à gronder toute la classe, genre :
« Mais arrêtez un peu de dévisager la nouvelle, comme ça, sans arrêt ! Vous croyez qu'c'est poli, envers elle ? Laissez-la tranquille ! Occupez-vous de votre travail ! »
Au début, ce fut un peu difficile de faire abstraction de sa présence mais quand sonna l'heure de la récréation, le coup était pris : dans la cour, tout le monde ignora la nouvelle très poliment et la laissa bien tranquille dans son coin.
C'est alors que, tout à coup, Anne - la nouvelle - accourut jusque devant moi et me dit joyeusement :
« T'as vu mes chaussettes boum ! »
Machinalement, je baissai les yeux, regardai ses jambes - dont une était pointée vers moi - et constatai qu'elles étaient effectivement gainées de chaussettes ; il m'apparut que c'étaient bel et bien des chaussettes boum, semblables à celles dont la publicité télévisée nous entretenait de temps à autre.
Je restai là, silencieuse, sans réaction, à me demander pourquoi donc cette fille avait choisi de se ridiculiser en venant me parler de ses chaussettes alors que nous ne nous connaissions même pas.
Anne partit en courant et s'arrêta, non loin, devant un groupe de filles. Tendant le coude vers l'une d'entre elles, elle dit joyeusement :
« T'as vu mon sous-pull coloré ! »
(celui-là aussi, passait à la télé).
Les filles lui répondirent méchamment :
« Va-t'en ! On parle de choses importantes, nous. »
Anne partit en courant et s'arrêta, plus loin, devant un groupe de filles. Elle leur parla en pointant une jambe vers elles. Je les vis baisser le regard sur ses chaussettes boum ; puis je les entendis crier méchamment :
« Frimeuse ! Va-t'en ! »
Anne continua sa course folle, d'une fille à l'autre ; tendant une fois la jambe, une fois le coude, comme si elle s'en fichait d'essuyer un rejet à chaque coup.
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DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Non-FictionPremière partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?