I 7 - Liberté d'expression

13 2 0
                                    


Cela étant clairement établi, ma mère me demanda d'un ton sec :

« Comment ça se fait que tu te poses des questions comme ça ? »

Je n'aimais pas qu'elle me parlât sur ce ton : avec les grandes personnes, on ne sait jamais à quel moment on va se prendre une baffe, surtout quand on aborde un sujet tabou. Il me parut prudent de mettre l'accent sur la part du propos qui était de mon âge :

« Tu sais bien que j'aime pas les fessées, que je cherche toujours des arguments pour ne plus en recevoir.

- Mais enfin, Angélique ! ça fait longtemps que tu ne reçois plus de fessées. C'était quand t'étais petite.

- Ah bon ? C'est vrai, c'est fini ? J'en recevrai plus jamais ? »

Alors ça, c'était une bonne nouvelle ! J'avais bien fait d'en parler, finalement.

Même, je ne voulais pas devenir comme ces dames qui disent :

« Quand j'avais ton âge, j'en ai reçu, des fessées, sûrement plus que toi. J'en suis pas morte. »

Moi, j'aurais voulu qu'après moi, il n'y eût plus aucun tout-petit qui souffrît de fessée comme j'en avais souffert.

« C'est bien ça, Maman?

- De quoi?

- Eh ben, la maîtresse a dit que si je voulais faire un livre parfait, il fallait que je m'applique à la conjugaison, en particulier du subjonctif. Alors : "je voudrais qu'après moi, il n'y ait plus aucun tout-petit qui souffre de fessée comme j'en ai souffert", quand j'écrirai mon livre et que ça sera devenu du passé, il faudra que je dise : "je voulais qu'après moi, il n'y eût plus aucun tout-petit qui souffrît de fessée comme j'en avais souffert". C'est bien ça?

- "J'aurais voulu", c'est du conditionnel. Oui, c'est bien, répondit ma mère, mais j'aimerais quand même savoir comment ça se fait que tu réfléchis à des histoires de viol.

- C'est pas beau, dans la bouche d'une petite fille ? 

- Non. Ce qui n'est pas beau, c'est les paroles des adultes. Faut pas les répéter ! Par contre, tes propres pensées de petite fille, tu as raison de m'en parler ; ça m'intéresse. Je t'écoute.

- Ben... voilà ! j'ai dit ce qui me passait par la tête.

- Continue ! dis ce qui te passe par la tête. »

Ça, c'était pas dur. Quand on est enfant, on a toujours plein de choses qui passent par la tête, un peu tout et n'importe quoi. Je pris donc la première idée qui passait par là et la livrai telle quelle.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant