Françoise m'attendait au portail. Quand elle me vit arriver, la joie mit sur ses lèvres un sourire radieux, puis sur les miennes aussi mais plus timidement, parce que je craignais un assombrissement, lorsque Françoise apprendrait que je m'étais froissée avec son amie Muriel.
Je voulus lui avouer d'entrée de jeu mais elle parlait beaucoup plus vite que moi et ne me laissait pas en placer une. Elle m'entraîna donc sur le chemin de chez elle en me racontant combien elle avait été contrariée d'être envoyée en vacances en juillet, alors qu'elle m'attendait tant depuis la fin des vacances de Pâques, et son inquiétude que je fusse repartie de Cesson avant l'août.
Lorsque nous fûmes arrivées dans la rue de Paris, Françoise avait vidé son sac et se tut. J'en profitai pour lui glisser deux mots à propos de Muriel. Aussitôt, elle se rembrunit.
« Alors ça, elle va me l'payer. »
Je crus que Françoise parlait de moi en elle-même et je tentai, pour me disculper, de lui dire les choses exactement comme elles s'étaient passées mais elle m'interrompit dès mes premières paroles :
« Je sais. Dès que la muriel a vu que j'étais rentrée de vacances, elle s'est fait un malin plaisir de venir me raconter qu'elle avait été méchante avec toi. »
Si Muriel elle-même avait avoué que c'était elle qui avait été méchante avec moi, j'étais sauvée. Il n'empêche que je ne m'expliquais pas :
« Pourquoi elle est comme ça ? »
Un nouveau sourire se mit à resplendir sur le visage de Françoise.
« Je sais pas. C'est d'puis que j'lui ai dit : "Maintenant, ma meilleure amie, c'est pus toi ; c'est Angélique".
- C'est pour ça, alors ! T'aurais p'têt pas dû lui dire ça.
- Ça t'fait pas plaisir, que j'dise que t'es ma meilleure amie ?
- Ben, ça m'fait plaisir d'être ton amie dans ton cœur mais t'aurais p'têt pas dû le dire comme ça à Muriel. Une amie, c'est pas comme un amoureux : on peut en avoir plusieurs à la fois. Moi, j'viens ici en vacances, c'est pas pour vous séparer.
- Mais ! t'inquiète, c'est toujours comme ça, entre nous. On s'fait la guerre, on fait la paix pis c'est r'parti.
- Ah ?... M'enfin, quand même : moi, chuis heureuse de venir à Cesson, c'est pas pour faire de la peine à ceux qui y vivent.
- Oh ! t'en fais pas pour elle. Tu crois qu'elle, èe s'en fait pour toi ? Elle t'a laissée toute seule pendant tout le mois de juillet alors que tu lui avais rien fait. Elle, elle est pas toute seule, elle a tout le quartier de son côté. C'est moi qui me suis mis tout le monde à dos, sur c'coup-là... mais j'm'en fous, du moment qu'chuis avec toi. On va bien s'amuser, tu vas voir.
- Ben... justement... j'voulais te dire : j'chais pas si j'vais pouvoir rester à Cesson tout l'été.
- Quoi ? On vient tout juste de se retrouver et tu parles déjà de t'en aller ?
- C'est pas ça. C'est mon grand frère et ma grande sœur, ys s'ennuient, à Cesson. Ys voudraient rentrer à Courbevoie pour retrouver leurs copains et leurs copines.
- Et nous, alors ?
- Ben oui, je sais mais faut partager : un peu pour nous, un peu pour eux.
- Nan, y a pas, c'est nos vacances. Ils sont égoïstes, tes frère et sœur.
- Oh ! non. Quand j'étais petite, ys se sont toujours bien occupés de moi. Ys m'ont emmené plein de fois faire des promenades en vélo. J'ai toujours passé de bonnes vacances, avec eux. Même en dehors des vacances, ys ont toujours aimé m'emmener avec eux dans leurs sorties ou quand ys allaient voir leurs amis (avant).
- C'est pas une raison pour te sacrifier.
- Mais non mais moi, maintenant qu'chuis grande, j'voudrais pouvoir leur rendre la pareille mais c'est pas possible : j'peux pas les emmener avec moi quand je viens jouer avec toi, ça les amuserait pas.
- Ah ! ben non, évidemment.
- Non mais j'aurais bien une idée... mais c'est pas possible.
- De quoi ? Dis !
- Mais c'est pas possible.
- Dis toujours !
- C'que je me dis, c'est que toi, t'as un grand frère et une grande sœur qui ont le même âge que mon grand frère et ma grande sœur. Alors, si mon grand frère et ma grande sœur étaient copains avec ton grand frère et ta grande sœur, ys s'ennuieraient pus et ys auraient pus envie de rentrer à Courbevoie. »
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DATE ET LIEU DE NAISSANCE
Non-FictionPremière partie de : SEX AND DESTROY Un nouveau son rock ?