V 3 - Entre le vieux Courbevoie et le cimetière

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Nani prit son air de grand penseur et conclut :

« Si Courbevoie est le passé et Cesson l'avenir, alors pour l'instant on vit dans le passé puisqu'on habite à Courbevoie. Profitons-en pour l'explorer !

- Non, ça se peut pas : on vit dans le présent. C'est forcé.

- Oui, tu as raison : on vit toujours dans le présent mais actuellement, on peut considérer que le présent se mêle au passé parce qu'en ouvrant les yeux et en regardant autour de toi, c'est une vision du passé que tu as. Explore-la ! Explore ce passé que tu vois, tant qu'il reste présent ! »

Moi, j'avais plutôt envie de repartir à Cesson explorer l'avenir. Il faut dire que, sur le plan pratique, Cesson, c'était les vacances, le grand air, la vie qui refleurit... et Courbevoie, c'était l'école : le tombeau des morts-vivants !

En fin de compte, je ne pus jamais trouver les délimitations d'un quartier portant le nom de vieux Courbevoie. Le vieux Courbevoie, il était partout, il était nulle part. C'était Courbevoie tout entier, sauf le béton ; c'était partout où il restait des clous dans les passages cloutés...

Néanmoins, mon exploration me conduisit à remarquer l'existence d'un quartier qui, s'il n'était pas le plus vieux, était sans doute le plus éloquent vestige de Courbevoie.

Ce quartier ne faisait même pas partie de ce que Maman appelait le vieux Courbevoie, tellement il était pittoresque. Il portait un autre nom, un nom dont je ne comprenais pas le sens, un nom que je n'arrivais pas à mémoriser. Déjà, les Castors, à Cesson, j'avais du mal !...

Ce quartier ne s'appelait pas vieux Courbevoie parce que, selon Maman, aucun vivant, aussi vieux fût-il, ne pouvait vouloir s'y installer. Ce quartier ne s'appelait pas non plus cimetière parce que, selon Maman, aucun mort n'y était enterré. Moi, comme je n'arrivais jamais à me souvenir son nom, je l'appelais : le quartier qui est entre le vieux Courbevoie et le cimetière (ce qui ne correspondait à aucune réalité géographique).

Un dimanche, Tonton Frédéric et Tata Lili vinrent à la maison. Après manger, nous allâmes nous promener et nous passâmes devant le quartier qui était entre le vieux Courbevoie et le cimetière.

Le voyant, Tata Lili s'indigna :

« C'est encore là, ça ! Qu'est-ce qu'ils attendent pour le raser ? »

Tel fut le point de départ d'un long blabla de grandes personnes qui revint plusieurs fois, même après la promenade. D'autres dimanches encore, j'en entendis parler, avec Tonton et Tata ou avec d'autres invités.

À ce que j'en entendis, ce quartier ne servait plus à rien parce qu'il était trop vieux, trop moche pour que des gens voulussent l'habiter. Il prenait de la place pour rien.

L'état aurait bien fait de le mettre en tête de ses projets de démolition mais il n'en faisait rien. Pourquoi ? Parce qu'il voulait garder cet affreux tas de pierres en tant que vestige historique.

De leur côté, les habitants râlaient parce qu'ils ne voulaient pas de ce sinistre décor dans leur environnement quotidien...

Ce n'était pas seulement à Courbevoie. Ces vestiges et leur polémique existaient pareillement dans d'autres villes, genre : Meudon. La grande question était de savoir qui finirait par avoir gain de cause, de l'état ou du peuple.

Moi, ce que je ne comprenais pas, dans cette histoire, c'est que la logique aurait voulu que les habitants se prissent en main et détruisissent eux-mêmes ce dont ils ne voulaient plus. En fait, ils ne pouvaient pas parce que l'état s'était octroyé le droit de le faire à leur place. Pas très clair !

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