II 3 - Le souvenir flou d'un rêve bizarre

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Peut-on imaginer ce qui se serait passé si ma mère et moi n'avions pas eu cette conversation ?

Un jour, peut-être, je serais rentrée à la maison en disant :

« Maman, je suis enceinte. »

Ma mère aurait été très en colère. Elle m'aurait vertement réprimandée dans un sermon ponctué de :

« T'es fière de toi ? »

et qui se serait conclu par :

« Eh bien, ma petite fille ! Il va falloir te faire avorter. »

Toute éventuelle parole sortant de ma bouche aurait été jugée insolence, de sorte que j'aurais accepté la punition sans oser demander ce que veut dire avorter .

Peu m'en aurait importé ! J'aurais été tellement heureuse d'être enceinte que j'aurais accepté n'importe quelle punition par amour pour mon enfant.

Ma mère interrompit ma rêverie :

« Tu divagues ou quoi ? Tu sais ce que ça veut dire, maintenant, se faire avorter. »

Je la sentais un peu méfiante et je savais vaguement pourquoi. Je dis bien vaguement parce que, depuis le temps que nous étions là à papoter, plein de choses avaient été dites et je me souvenais de trois fois rien.

Pour revenir en arrière dans la discussion, il fallait que je trouvasse dans ma mémoire un fil conducteur, genre : méfiance de ma mère ⇾ chantage affectif ⇾ tentative de suicide.

Oui, ça y était ! Je me souvins.

Quand nous avions abordé le sujet des enfants qui se suicident ou qui tournent mal, ma mère avait bien voulu reconnaître la part de responsabilité des adultes mais, parallèlement, elle disait que ça ne devait pas faire vaciller leur autorité. Tu parles !

L'autorité est un moyen de pression dont les adultes abusent grossièrement pour imposer leurs caprices. C'est insupportable ! Les enfants les plus touchés finissent par renoncer à la vie ou par avoir des séquelles psychologiques graves.

De là, certains enfants se livrent, sciemment ou non, à un chantage affectif, menaçant de se suicider si on ne leur accorde pas ci ou ça, pour un oui ou pour un non. Parfois, les parents, culpabilisant, font en sorte de satisfaire tous les désirs de l'enfant qui, au bout du compte, se suicide quant même (d'après ma mère).

Donc, la situation est complexe mais... au fait, pourquoi en étions-nous venues à parler de ça ? Qui a dit qu'il voulait se suicider ?

C'est d'avortement dont nous parlions. Est-ce que je savais ce que voulait dire se faire avorter ? Pas vraiment, non. Je me rappelais seulement avoir raconté à ma mère des trucs qui m'étaient passés par la tête et c'est elle qui m'avait répondu :

« Ça s'appelle un avortement »

mais de quoi s'agissait-il, au juste ? J'essayais de m'en souvenir mais c'était extrêmement confus.

DATE ET LIEU DE NAISSANCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant